Un an après sa mise en oeuvre, le bilan désastreux du plan Remain in Mexico

Mexique, Reynosa, 01 septembre 2019

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Un an après la mise en place par les autorités américaines du programme Remain in Mexico, des dizaines de milliers de demandeurs d’asile sont aujourd’hui pris au piège au Mexique, confrontés à de nombreuses violences selon l’organisation humanitaire médicale Médecins Sans Frontières (MSF). Ils doivent gérer les conséquences de l’incertitude de leur futur et le risque permanent sur la santé mentale.

« Les Etats-Unis continuent à renvoyer les demandeurs d'asile vers les violences, les danger et les cartels qui contrôlent les routes migratoires au Mexique » explique Sergio Martin, chef de mission MSF au Mexique. « A Matamoros, à quelques pas de la frontière américaine, des milliers de demandeurs d'asile vivent maintenant dans des camps informels. Ils disposent d’un accès limité à un abri ou à des soins de santé de base. A Nuevo Laredo, nous avons des patients qui ne veulent pas sortir de leur abri parce qu'ils savent qu'ils sont les cibles de kidnapping ou d’assassinat. »

62 000 demandeurs d’asile refoulés

En application depuis janvier 2019, Remain in Mexico – officiellement appelé « protocoles de protection des migrants » – force les demandeurs d’asile à rester au Mexique le temps que leur dossier soit examiné, les laissant à la merci de kidnappings et de violences. Plus de 62 000 personnes ont dû retourner au Mexique dans le cadre de cette procédure. MSF intervient au Mexique tout le long de la route migratoire, et dans les villes-frontières de Nuevo Laredo, Matamoros, Mexicali, et Reynosa. Les équipes sont témoins des conséquences tragiques de cette politique qui a quasiment mis fin aux possibilités d’asile aux frontières sud des Etats-Unis.

Environ 80 % des personnes migrantes suivies par les équipes de MSF à Nuevo Laredo ont vécu au moins un épisode de violence durant les neuf premiers mois de 2019 ; 43,7 % des patients ont quant à eux déclaré avoir été victimes de violence durant la semaine précédant la consultation.

Mexique, Reynosa, 01 septembre 2019

Il y a un an et demi, le seul refuge offrant une assistance à la population migrante était presque vide. Aujourd'hui, ce lieu, qui peut accueillir 180 personnes, a été contraint d'en accueillir plus de 400.

© MSF/Arlette Blanco

Une peur constante

En septembre 2019, 43 % des personnes renvoyées à Nuevo Laredo dans le cadre de cette mesure et prises en charge par MSF avaient été récemment kidnappées. 12 % des patients reportaient avoir été victime de tentatives avortées de kidnapping. En octobre 2019, ce pourcentage s’élevait à 75 %. Ces chiffres se rapportent uniquement aux patients des programmes de MSF et ne rendent pas compte de l'ampleur de la violence à laquelle ces personnes sont confrontées.

A Nuevo Laredo, les patients MSF souffrent d’anxiété, de dépression et de stress post-traumatique parce qu’ils craignent d'être renvoyés au Mexique et n’ont aucun visibilité quant à leur avenir. « Nos patients vivent dans un état de peur constante, détaille Sergio Martin. Ils sont traumatisés et ont besoin d'un soutien en santé mentale. »

Le protocole de protection des migrants fait partie d'une série de nouvelles restrictions extrêmement néfastes en matière d'asile, promulguées par les Etats-Unis en coopération avec les gouvernements de la région, qui mettent en danger la vie des gens et les renvoient délibérément vers tous les risques.

Des accords inhumains

En 2019, les autorités américaines ont négocié des accords bilatéraux avec les gouvernements du Guatemala, du Honduras et du Salvador qui les autorisent à renvoyer les demandeurs d’asile dans leur pays d’origine. « Beaucoup de nos patients fuient le Guatemala, le Honduras et le Salvador à cause d’un niveau de violences particulièrement élevé, explique Marcelo Fernandez, coordinateur des programmes MSF en Amérique centrale. Les autorités américaines veulent désormais renvoyer ces personnes dans le pays que ces personnes ont voulu quitter à tout prix, c’est totalement absurde et inhumain. »

Outre le danger que ces personnes encourent, ces pays n’ont pas les infrastructures, les mécanismes de protection ou des lieux de mise à l’abri pour ces demandeurs d’asile. L’organisation médicale ajoute qu’il y a peu d'informations sur les termes exacts de ces accords, sur la manière dont ils seront mis en œuvre. 

« Les personnes que nous rencontrons le long de ce parcours migratoire sont bien conscientes des dangers auxquels elles seront confrontées en cours de route. Mais elles sont désespérées et veulent fuir les violences et la pauvreté. Elles continueront de chercher refuge aux Etats-Unis, conclut Marcelo Fernandez. Un an après la mise en œuvre du plan Remain in Mexico, il n’y a plus aucun doute sur les dégâts qu’il cause. Le gouvernement américain doit mettre un terme à cette politique cruelle qui force ces personnes à risquer leur vie pour demander l’asile. »

Au Mexique, MSF fournit des soins médicaux et de santé mentale dans les abris Tapachula, Tenosique, Coatzacoalcos, Nuevo Laredo, Mexicali, Reynosa et Matamoros. À Mexico, MSF gère un centre thérapeutique spécialisé pour les migrants et les demandeurs d'asile victimes de violences extrêmes.