Sahel: conflits, violences et changement climatique

2 hommes de dos à un point d’eau de Gorom Gorom

Burkina Faso8 min

La région désertique du Sahel, dans le nord du Burkina Faso, est la plus sèche et la plus chaude du pays. Depuis 2018, cette région, qui est au centre d’un conflit armé, a vu les besoins humanitaires exploser. Entre violence et changement climatique, la population très vulnérable se retrouve sans accès à l’eau et exposée aux maladies.

Aïssé Ouedraogo est arrivée à quatre heures du matin au point d’eau situé à quelques kilomètres de chez elle. Six heures plus tard, elle arrive enfin à remplir dix bidons d’eau propre de 20 litres chacun.

« Je ne peux pas prendre plus que ça. L’eau n’est pas suffisante dans la région ici, et si j’en prends plus, les autres n’en auront pas », explique Aïssé, une déplacée qui a fui les violences de Boulékessi, son village. 

Dans ce point d’eau situé sur la commune de Gorom Gorom, dans le Sahel, des dizaines de femmes comme Aïssé attendent leur tour chaque jour, pour remplir leurs bidons d’eau propre. Cette eau est vitale pour les besoins quotidiens des populations déplacées ; pour la cuisine, mais aussi pour les travaux domestiques.

« Si nous n’arrivons pas à trouver de l’eau, nous sommes obligés de l’acheter et le bidon coûte 100 fcfa (0,15 euro). Parfois nous n’avons pas le choix et cela représente une somme importante pour nous » explique Aïssé. 

Les déplacés n’ont pas accès à un emploi régulier et s’ils en ont, ce sont des travailleurs quotidiens qui gagnent peu d’argent.

Une crise humanitaire sans précédent

Depuis 2018, la situation sécuritaire dans le Sahel reste instable et la région est plongée dans une crise humanitaire sans précédent, dues aux violences continues entre différents groupes et les forces armées burkinabè ou entre les groupes armés eux-mêmes. 

Dans la région du Sahel, plus de 350 000 personnes sont déplacées, soit environ un tiers de la population totale de la région. Pire encore, plus de 628 000 personnes ont besoin d’assistance en matière d’eau, d’hygiène et d’assainissement. Dans les zones instables et les zones qui accueillent des milliers de déplacés, l’accès aux services de bases est un grand défi et les risques sanitaires sont énormes. Avant le conflit et l’arrivée des déplacés, la région avait déjà connu de fortes variations climatiques saisonnières qui exercent une pression grandissante sur des ressources en eau limitées.

Des femmes assises par terre qui écoutent un promoteur de la santé MSF

Un promoteur de santé MSF répond aux questions des femmes d’un camp de déplacés à Gorom Gorom. 15.02.2021

© Noelie Sawadogo/MSF

Selon le groupe sectoriel humanitaire Eau, Hygiène et Assainissement, le nombre de personnes ayant un besoin d’assistance dans la commune de Gorom Gorom où vie Aïssé s’élève à plus de 92 000 personnes en mars 2021.

Au même point d’eau, Guènèba Hamidou, 49 ans, est venue tôt le matin aussi pour remplir ses bidons d’eau. Originaire elle aussi de Boulékéssi, elle a fui son village en 2019 à la suite d’attaques meurtrières.

La vie n’est pas du tout simple ici. Depuis que nous sommes arrivés à Gorom Gorom, le problème d’eau se pose en permanence.

Guènèba Hamidou, 49 ans, déplacée sur la commune de Gorom Gorom

« La nourriture et l’eau sont insuffisantes et il est difficile d’y avoir accès. Les jours où je rentre à la maison avec des bidons vides, je ne peux pas cuisiner », explique-t-elle.

Absence d'eau propre : une source de maladies

Pendant la saison des pluies qui commence en juin, l’accès à l’eau devient plus facile. Malheureusement, cette eau-là est impropre à la consommation. Ce manque de l’eau propre et la forte concentration des populations occasionnent plusieurs infections parasitaires, des maladies de la peau et des maladies hydriques comme la diarrhée. C’est pourquoi les activités d’assainissement et d’eau font partie intégrante de la mission de Médecins Sans Frontières (MSF) au Burkina Faso.

Entre janvier et mars 2021, MSF a reçu dans les centres de Dori et de Gorom Gorom plus de 1 200 enfants de moins de 6 ans souffrant de diarrhées.

Nous recevons des centaines de cas par mois dans les centres de santé que nous supportons, atteints de maladies dues à la consommation d’eau non-potable

Dr David Munganga, coordinateur médical pour MSF dans la région

À Gorom Gorom, les équipes de MSF ont récemment construit un nouveau forage sur un site regroupant plus de 20 000 déplacés afin d’augmenter l’accès à l’eau propre. Ce forage d’une capacité de production de 1 100 litres d’eau par heure, vient complémenter 7 autres forages que les équipes ont remis en état de fonctionner dans la zone. 

Dans la commune, MSF fourni un appui technique et des ressources humaines à l’hôpital du district et à deux autres centres de santé. Les équipes sont aussi engagées dans la distribution des kits d’hygiène aux personnes récemment déplacées, comprenant du savon, des bidons ainsi que des « aquatabs » pour l’assainissement de l’eau des ménages. Les promoteurs de la santé visitent régulièrement les déplacés pour leur donner des sessions d’éducation et des conseils dans le domaine de la santé et de l’hygiène. 

« L'accès à l'eau et aux services de base pour les populations déplacées et les populations autochtones dans la région du Sahel et dans de nombreux endroits au Burkina Faso est un véritable défi. » déclare Youssouf Aly Dembélé, chef de la mission MSF dans le pays. « Une plus grande présence des organisations humanitaires est nécessaire pour répondre aux besoins médicaux et humanitaires croissants d'une population fortement affectée par le conflit ».

Six régions sur 13 dans le Burkina Faso sont affectées par la crise d’eau: le Sahel, le Centre-Nord, le Nord, l’Est, la Boucle du Mouhoun et le Centre-Est. MSF intervient dans quatre de ces zones pour apporter de l’eau aux populations qui ont en besoin.

En 2020, environ 133 934 000 litres d’eau ont été distribués par les équipes MSF, une quantité d’une équivalence de 45 piscines olympiques. MSF actuellement, fournit une assistance médicale et humanitaire aux populations locales et déplacées dans le Burkina Faso. Les services comprennent des soins de santé primaires et secondaires, des campagnes de vaccination, la distribution d’eau et de produits de première nécessité. En 2020, plus de 478 000 consultations gratuites médicales ont été effectuées.