Covid-19: «Vivement le nouveau vaccin, qu’on puisse le refuser»

Un homme prépare un vaccin, l’aiguille et le flacon sont visibles au premier plan.

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A l’aube des premières campagnes de vaccination contre le Covid-19, une formule a largement circulé sur les réseaux sociaux, en substance: «Vivement la sortie d’un nouveau vaccin, qu’on puisse le refuser». Au-delà de l’ironie et de l’oxymore, ceci évoque le paradoxe constant qui semble traverser la plupart des sociétés européennes, ces dernières appelant à la fois de leurs vœux une avancée scientifique au bénéfice sanitaire de tous, tout en demeurant sceptique envers les politiques de santé publique menées par les gouvernements durant ces dernières décennies.

 

De l’Impérialisme sanitaire…

Si l’ère Pasteur débutée au XIXe siècle a largement contribué à l’extension de la responsabilité de l’Etat aux domaines sanitaires, elle a également autorisé l’émergence de mouvements ouvertement anti-vaccinaux qui interrogent le principe même de la vaccination, les conditions de production, voire les modalités de prescription aux populations. Les controverses fourmillent : présence d’adjuvants aluminiques dans les excipients de certains vaccins, discordance entre santé publique et intérêts de l’industrie pharmaceutique, accusations de corruption des décideurs au bénéfice des laboratoires, etc. 

Non limitée à la sphère européenne, l’imposition autoritaire de vaccinations de masse s’est manifestée dans l’Histoire africaine notamment au milieu des années 1940. L’exemple de la pentamidine, un antibiotique pressenti pour lutter contre la maladie du sommeil – dix millions d’injections préventives qui s’avéreront aussi inutiles que dangereuses –, a mis en exergue non seulement l’irrationalité des politiques coloniales alors en vigueur, mais aussi la foi aveugle dans le progrès scientifique, ainsi que la mise en oeuvre de politiques de santé publique dont les objectifs semblaient très éloignés de ce qu’il conviendrait d’appeler le bien commun.

..à la recherche de la confiance


En 1953, en Grande-Bretagne, l’inoculation d’un premier sérum pouvant protéger de la variole suscita un certain nombre de contestations évoquant une atteinte aux libertés individuelles. On le constate actuellement en Europe, le respect des mesures sanitaires prises par les différents Etats pour lutter contre la pandémie reste intimement lié au capital confiance des populations en leur gouvernement, confiance malheureusement émoussée depuis longtemps dans bon nombre de sociétés. La croyance aveugle dans la recherche scientifique pour la santé du plus grand nombre se heurte à la réalité d’un monde pharmaceutique mercantiliste, voire à l’instrumentalisation de la santé publique par certains gouvernements afin de restreindre les libertés individuelles ou la manifestation de grognes sociales. 

Accès, équité, transparence


S’il existe un point qui devrait bien faire à priori l’objet d’un consensus au sein des populations, ce devrait être celui de l’accès à ces thérapies, sachant que certaines recherches ont été en grande partie financées par l’argent public. En particulier, les modalités des accords entre laboratoires sur les questions d’exploitation et de licence des vaccins Covid devraient être rendues publiques et ouvertement débattues. Que l’on soit convaincu ou non du bien-fondé de vacciner actuellement contre ce virus particulier, que l’on remette en question ou non la gestion de cette pandémie par nos gouvernements respectifs, que l’on critique ou non les conditions de production de ces sérums, il serait impensable de laisser entre les mains de pouvoirs économiques concurrents la possibilité de préserver la santé du plus grand nombre. D’autant plus que le principe vaccinal, en tant qu’avancée sanitaire majeure dans l’histoire de l’humanité, ne saurait être contesté.

 

Françoise Duroch, PhD , Directrice de l’Unité de Recherche sur les enjeux et pratiques humanitaires (UREPH)