Burkina Faso : les conditions de vie des personnes déplacées se dégradent avec l’escalade de violence et le début des pluies

Des déplacés poussent la moto ainsi que la remorque où se trouvent les kits distribués par MSF pour traverser la route inondée.

Burkina Faso9 min

Dans la région centre nord du Burkina Faso, le nombre de personnes déplacées en quête de sécurité a quasiment doublé pour atteindre le nombre de 386 000. Face à l’augmentation de l’insécurité et de la violence dans le pays, beaucoup se sont installées dans des zones isolées dans des abris de fortune, exposées à toutes sortes d’intempéries.

À Pissila, une ville située à une trentaine de kilomètres de Kaya, Nabonswendé se rappelle de la première pluie du mois de mai. « L’eau s’est infiltrée dans toutes les tentes et nous n’avons pas pu dormir de la nuit », raconte-t-il. « Si nous ne pouvons pas retourner chez nous pour le moment, notre souhait est au moins de pouvoir réparer nos tentes, de sorte que l’eau ne puisse pas entrer sinon nous allons souffrir durant cette période pluvieuse. »

L’eau s’est infiltrée dans toutes les tentes et nous n’avons pas pu dormir de la nuit.

Nabonswendé, déplacé à Pissila

Installé sur ce site depuis une année, Nabonswendé espère un jour pouvoir retourner dans son village, où les conditions de vie sont nettement meilleures. « Beaucoup d’efforts sont déployés pour nous soutenir mais pouvoir retourner chez nous est la meilleure chose qui pourrait nous arriver. Nous sommes des cultivateurs et quand il pleut, notre place est aux champs, pour pouvoir nourrir nos familles. »

Le site de déplacés de Pissila. Deux enfants marchent devant les tentes du camp.

Le site de déplacés de Pissila. 1 juin 2020

© MSF

Un peu plus loin, dans la commune de Pensa, les déplacés font face à une situation similaire liée au logement. Originaire de Wapassi, Awa redoute également la saison des pluies. « Ça fait 12 mois que nous sommes logés dans le bâtiment de la mairie. Lorsqu’il pleut la nuit, nous ne pouvons pas dormir car l’eau s’infiltre par les toits. Avant, au moins nous étions chez nous. Aujourd’hui, c’est la misère. »

Les tentes et les structures d’urgence comme les latrines ne résistent pas aux intempéries. Les conditions de vie insalubres sur les sites de déplacés exposent les personnes aux maladies comme le paludisme, le choléra, la dysenterie, etc. Les enfants sont les plus particulièrement exposés.

De nombreux parents n’ont pas les moyens de payer une consultation médicale, ayant perdu toute source de revenus lorsqu’ils ont fui leur foyer. Pour Nabonswendé, beaucoup de gens s’endettent pour pouvoir accéder aux soins médicaux. « Quand nos enfants sont malades, il faut les amener à l’hôpital, même si cela implique de s’endetter parce que nous n’avons pas d’argent. » 

La gratuité des soins offerts par MSF nous permet au moins de nous ôter ce souci.

Nabonswendé, déplacé à Pissila

« La gratuité des soins offerts par MSF nous permet au moins de nous ôter ce souci. Il faut d’abord être en bonne santé pour vouloir le reste », confie Nabonswendé. A Pissila, MSF est présente dans un centre de santé et déploie des cliniques mobiles pour atteindre les personnes dans les zones périphériques. 

Une infirmière prend le périmètre brachial d’un enfant pour s’assurer de son état nutritionnel.

Dans le centre de santé de Kaya, une infirmière prend le périmètre brachial d’un enfant pour s’assurer de son état nutritionnel. 30 mai 2020

© MSF

« Pas assez d’espace pour tout le monde »

Malgré la présence de plusieurs organisations sur le terrain et l’assistance apportée jusqu’à présent pour combler les manques à court et moyen termes, les besoins des déplacés restent énormes. Le peu de ressources disponibles malgré le nombre croissant de personnes déplacées rend également les choses difficiles pour les communautés d’accueil et alimente la tension latente. 

« Nous étions déjà nombreux quand une nouvelle vague de déplacés est arrivée », raconte un habitant de la ville de Bourzanga. « Couvrir les besoins en eau potable pour tout le monde est un grand défi. Désormais, avec les pluies, la qualité de l’eau va se détériorer et cela risque d’engendrer des maladies. La nourriture, l’hébergement et les latrines sont également un problème. Nous leur avons montré où il était possible d’installer des abris loin des zones inondables, mais il n’y a pas assez d’espace pour tout le monde. »

Des femmes prennent de l’eau au point d’eau du site de Kongoussi à l’aide de bidon en plastique.

Point d’eau dans le site de Kongoussi. 3 juin 2020

© MSF

Pour les personnes déjà sur place, comme pour les nouveaux arrivants, les besoins sont extrêmement élevés. Les priorités restent l’eau potable, la nourriture, les abris et les soins de santé.

« Pour que nous puissions continuer à répondre aux besoins sanitaires de ces populations, il faut qu’elles puissent avoir accès à des conditions d’hygiène et de logement décentes, un cadre de vie propre et des latrines, surtout pendant la saison des pluies », déclare Hassan Maïyaki, chef de mission MSF au Burkina Faso.  

Les équipes MSF ont distribué des kits d’hygiène, des produits de première nécessité et de l’eau potable. Un des derniers exemples de ces activités de distribution a eu lieu à Silmangué dans le Centre-Nord, à environ 170 kilomètres de Kaya, où MSF a distribué des articles essentiels – seaux, jerrycans, gobelets etc. – et des tentes à plus de 2 000 familles de déplacés. Mais pour Maïyaki il faut bien plus. « Le nombre de déplacés augmente avec le temps, ainsi que leurs besoins, associés à ceux des communautés d’accueil », continue-t-il. 

Pics de paludisme et de malnutrition en approche

Avec des déplacements d’une telle ampleur, combinés avec un surpeuplement des camps et un faible accès à l’eau et aux installations sanitaires médiocres, les conditions sont propices à la propagation de maladies. La saison des pluies au Burkina s’accompagne inexorablement d’une recrudescence du nombre de cas de paludisme à travers les eaux stagnantes favorisant la prolifération des moustiques. En 2019, le paludisme était la maladie la plus constatée chez nos patients de la région Centre-Nord. Cette année ne sera pas différente et 7 231 personnes atteintes du paludisme ont déjà été prises en charge.

Plus de 60% des personnes déplacées dans la région centre-nord sont des enfants, la population la plus vulnérable face au paludisme.

Maïyaki, chef de mission MSF au Burkina Faso

L’application d’un diagnostic précoce, mais également l’application d’un traitement adéquat du paludisme sont essentiels pour réduire les décès. Cependant, l’accès aux soins médicaux dans la région est devenu difficile avec la fermeture d’au moins 21 structures sanitaires et 38 autres fonctionnant à minima depuis la fin mai. Les autorités sanitaires régionales se concentrent sur la prévention et l’élimination des conditions propices à la prolifération de moustiques et d’autres porteurs de maladies. Les équipes MSF se tiennent prêtes à soutenir les autorités sanitaires locales en cas de flambée des cas de paludisme.  

La malnutrition est une autre menace sanitaire renforcée par la saison des pluies coïncidant avec la période de soudure saisonnière. Entre janvier et juin 2020, MSF a fourni des aliments thérapeutiques à 1 580 enfants souffrant de malnutrition. Ce nombre augmentera probablement à mesure que la nourriture se raréfiera au cours des prochaines semaines.

Plus de 921 000 personnes sont actuellement déplacées au Burkina Faso, d’après les Nations Unies. Les équipes médicales MSF présentent dans le Centre-Nord fournissent des soins de santé primaires aux populations à Kaya, Pissila, Barsalogho, Pensa, Tougouri, Bouroum, Silmangué, Kongoussi, Bourzanga. En plus des postes de santé avancés, MSF déploie des cliniques mobiles pour la prise en charge médicale des populations dans les zones périphériques.