Des milliers de personnes prises entre deux feux dans un conflit invisible au nord du Mozambique

Les tentes qui composent le camp de déplacés internes de Metuge dans la province de Cabo Delgado au Mozambique.

Mozambique7 min

Le nombre de personnes déplacées augmente à Cabo Delgado. En février, au moins 200 000 personnes ont été déplacées en raison du conflit. Depuis, de nombreuses attaques contre les villages de la région ont déraciné des milliers d'autres de leurs foyers.

Retour sur l’attaque 

Des groupes armés mènent des attaques dans cette région complexe et riche en ressources naturelles. Aujourd'hui, le nord du Mozambique est l'épicentre de tensions sociales et économiques qui ont des conséquences dévastatrices sur la population.

Lors de l'attaque des insurgés le 28 mai 2020, quatre membres du personnel MSF travaillaient au centre de santé de Macomia juste avant qu'il ne soit saccagé et incendié. Ce jour-là, 27 employés MSF vivant à Macomia ont fui avec la population, en évitant les balles perdues alors que les combats s'intensifiaient autour d'eux. Aucun membre du personnel MSF n'a été tué au cours de cet incident, mais le traumatisme qu'ils ont vécu est bien réel. Alors que les insurgés entraient dans le village, toutes les routes ont été bloquées à l'entrée et à la sortie de Macomia. La seule façon d'échapper à ces violences était de fuir dans la brousse.

Une femme se tient au milieu de la lessive qui sèche dans le camp de déplacés interne de Metuge au Mozambique.

Une déplacée interne dans le camp de déplacés interne de Metuge au Mozambique. 15.06.2020

© MSF

Un membre du personnel MSF décrit l'horreur d'avoir été pris entre ces tirs le 28 mai

« La seule façon de s'échapper était de passer par la brousse derrière l'hôpital. Je me suis enfui de la zone quand j'ai entendu des coups de feu autour de Macomia. Toute la ville courait vers la brousse. Nous étions au moins un millier de personnes - hommes, femmes, personnes âgées, enfants, malades et leurs accompagnants - qui fuyaient le bruit des tirs. C'était comme la fin du monde.

Les gens couraient à travers une forêt dense - des coins où aucun être humain n'était allé auparavant. C'était une végétation sauvage avec beaucoup d'épines. Les gens avaient soif et faim, il n'y avait pas d'eau dans cette zone - seulement des pierres et des collines. Les gens essayaient de s'arrêter et de se reposer, mais les hélicoptères volaient très bas.

La route vers Licangano n'était pas facile : il y avait de nombreuses collines, avec des montées et des descentes. Beaucoup de personnes âgées, de malades et d'enfants n'arrivaient pas à sauter les obstacles, ni à escalader les falaises abruptes. Beaucoup d'enfants se sont perdus dans la panique...

J'ai vu une femme avec un bébé qui essayait de descendre la colline. Elle ne pouvait pas se débrouiller sans aide, alors elle a laissé son bébé en haut et s'est rabaissée sur la corniche. À ce moment, des tirs lourds ont commencé à proximité. La femme criait à l'aide, implorant de lui passer son bébé. Personne ne pouvait l'aider. Les gens couraient... terrifiés. »

Suite à l'attaque du 28 mai, aucun rapport officiel n'a pu fournir le nombre de victimes civiles. MSF a reçu des informations non confirmées faisant état d'au moins 15 morts, dont plusieurs enfants, dont certains sont morts de faim quand ils se sont cachés dans la brousse pendant des jours pour échapper aux combats. MSF n'a pas eu accès à la zone immédiatement après l'attaque.  Certains membres de notre personnel ont été autorisés à revenir pour constater les dégâts et commencer à réduire la présence de MSF, suite à la décision de suspendre les opérations à Macomia en raison des risques accrus en matière de sécurité. 

L'accès aux soins de santé entravé 

Après le passage du cyclone Kenneth dans le nord du Mozambique en avril 2019, MSF a aidé à reconstruire et à rénover le centre de santé et le laboratoire médical de Macomia. Lors de l'attaque du 28 mai, ce laboratoire et le centre de santé ont été complètement saccagés.

Le centre de santé de Macomia au Mozambique avant les attaques.

Le centre de santé de Macomia avant les attaques. 15 août 2019.

© MSF

Le centre de santé de Macomia offrait des services médicaux essentiels pour cette ville de plus de 29 000 personnes. MSF a fourni un soutien en ressources humaines : 27 personnes, dont des infirmiers, un pharmacien, des équipes d'hygiène et d'assainissement de l'eau, des chauffeurs et des gardes. Au milieu d'un violent conflit, le faible accès aux soins de santé et les mauvaises conditions de vie continuent d'aggraver la lutte quotidienne de milliers de Mozambicains dans le nord du pays.

Aller de l’avant

MSF s'engage à soutenir les populations déplacées dans la province de Cabo Delgado en fournissant une assistance humanitaire et médicale aux personnes qui en ont le plus besoin. Pour ce faire, MSF doit garantir un minimum de sécurité pour ses équipes médicales, ses patients et les structures de santé dans lesquelles elle travaille. Ce sont les personnes les plus vulnérables qui souffriront le plus - et MSF fera tout ce qui est en son pouvoir pour atténuer cette souffrance pour les personnes qui sont victimes de ce conflit en cours.
 

MSF au Mozambique

MSF est présent au Mozambique depuis 1984.  Dans la ville de Pemba, MSF aide les autorités sanitaires à améliorer l'accès à l'eau et à l'assainissement ainsi qu'à répondre aux éventuelles épidémies de diarrhée et de choléra. MSF est également présent à Maputo et à Beira où il fournit des soins aux personnes atteintes de VIH, de tuberculose et d'hépatite à un stade avancé et aux populations vulnérables.  Dans tous les projets, MSF soutient le ministère de la Santé du Mozambique dans sa réponse au COVID-19 par la mise en œuvre de mesures préventives, notamment le contrôle des infections, le triage et la surveillance.

Suite à de violentes attaques répétées, MSF a suspendu ses activités à Mocimboa da Praia et à Macomia. Toutefois, MSF continue son travail dans la province de Cabo Delgado. Aujourd’hui, MSF soutient le Centre de Traitement du Choléra à Metuge : deux latrines ont été construites et quatre infirmiers sont présents pour répondre aux besoins grandissants et à l’augmentation de la population. Nos équipes évaluent actuellement la possibilité de mettre en place d’autres activités dans le futur, afin de soutenir la réponse des autorités locales, qui font face à l’augmentation de la population déplacée interne à Pemba et dans ses alentours.