Une catastrophe sanitaire imminente dans les camps de réfugié·e·s de Dadaab au Kenya

Mères enfant poste de santé MSF Dagahaley à Dadaab. Juillet 2019, Kenya

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L'organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières (MSF) appelle à des mesures d’urgence pour éviter une catastrophe sanitaire sur le site de réfugié·e·s de Dadaab au Kenya. Une épidémie de choléra a touché 2 786 personnes à ce jour et il existe un risque immédiat de propagation d'autres maladies gastro-intestinales, prévient MSF, qui appelle les bailleurs de fonds et les agences d'aide à agir immédiatement sur les conditions sanitaires et la surpopulation des camps.

Situés au nord-est du Kenya, les trois camps de réfugié·e·s (Dagahaley, Hagadera, Ifo) qui forment le complexe de Dadaab accueillent plus de 300 000 réfugiés, en majorité originaires de la Somalie voisine. Au cours des derniers mois, la sécheresse prolongée en Somalie a provoqué une nouvelle vague d’arrivées, entrainant une surpopulation et une mise en tension des services existants, notamment l'approvisionnement en eau potable et en latrines.

« La gravité de la situation exige des investissements dans l’accès à l'eau potable et à l'hygiène de base, appelle Hassan Maiyaki, Chef de Mission de MSF au Kenya. Nous sommes déjà témoins de la pire épidémie de choléra de ces cinq dernières années et le risque que d'autres épidémies se déclarent est élevé. Le cas échéant, les capacités médicales des camps seraient dépassées et les conséquences catastrophiques. »

L'épidémie de choléra actuelle est liée à la réduction des activités essentielles en matière d'assainissement et d'hygiène dans les camps, notamment la distribution d'eau potable et de savon, la construction et la réhabilitation de latrines et la gestion des déchets. Aujourd'hui, selon les organisations humanitaires travaillant dans les camps, près de la moitié de la population des camps n'a pas accès à des latrines fonctionnelles, augmentant par la même occasion le risque d'épidémies dans et autour du camp.

Le ministère kenyan de la santé et les organisations humanitaires ont mené des campagnes de vaccination et de promotion de la santé face au choléra afin d'aider la population à se protéger contre la maladie. Toutefois, seule l’amélioration durable des infrastructures médicales et sanitaires permettra de prévenir durablement ce genre d’épidémies.

« Malgré les campagnes de promotion de la santé et de vaccination, il est impossible de contrôler cette épidémie de choléra si nous ne donnons pas la priorité aux actions préventives en améliorant l’accès à l’eau potable, les dispositifs d’assainissement et les conditions d'hygiène, explique le Dr Nitya Udayraj, coordinatrice médicale de MSF au Kenya. Si la qualité et le nombre de ces interventions ne sont pas renforcés, ce n'est qu'une question de temps avant que d'autres épidémies ne se déclarent dans les camps, parmi lesquelles l'hépatite E. »

MSF soutient un hôpital à Dagahaley, l'un des trois camps de Dadaab. Dans ce seul camp, les équipes de MSF ont signalé plus de 1 120 cas de choléra et deux décès depuis le début de l'épidémie en novembre 2022.

Les équipes MSF en charge de l’approvisionnement en eau potable et en produits d'hygiène transportent actuellement 50 000 litres d'eau potable par jour vers le camp. Ces dernières semaines, elles ont construit 150 latrines communes, à la fois dans et autour des camps, où environ 9 000 personnes nouvellement arrivées se sont installées dans des abris rudimentaires sur une parcelle désertique. Jusqu'à présent, MSF a fourni des bâches en plastique, des nattes et du savon liquide à près de 1 000 familles. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour répondre aux besoins de la population et endiguer cette crise humanitaire.

Le gouvernement kenyan a annoncé son intention de rouvrir prochainement un quatrième camp - Ifo 2 - afin d'y accueillir les nouveaux·elles arrivant·e·s et d'alléger la densité des camps existants. « La réouverture du camp de Ifo 2 devrait être accélérée afin d'alléger la densité des camps existants, appelle Hassan Maiyaki. Tous les efforts visant à réduire la surpopulation doivent inclure des investissements dans le secteur de l’accès à l’eau potable et à l’hygiène afin de garantir un niveau de vie minimum aux personnes réfugiées. »

MSF appelle la communauté internationale, les bailleurs de fonds et les agences d’aide humanitaire à répondre d'urgence à la crise de Dadaab pour améliorer les conditions sanitaires alarmantes et empêcher la propagation des maladies. A plus long terme, MSF appelle le gouvernement du Kenya et le Haut-commissariat pour les réfugiés à œuvrer à des solutions durables pour les réfugié·s vivant dans les camps.

Les trois camps de Dagahaley, Ifo et Hagadera enregistrent actuellement plus de 245 000 personnes réfugiées, dont beaucoup vivent dans ces camps depuis plus de trente ans. Ils accueillent également plus de 124 000 personnes non enregistrées, dont 67 000 sont arrivées en 2022.

En janvier, MSF a mis en place deux cliniques supplémentaires pour fournir des soins de santé aux personnes nouvellement arrivées aux alentours de Dagahaley. MSF fournit des soins médicaux à Dadaab et dans ses environs depuis la plus grande partie des 32 ans d'existence des camps. Actuellement, les activités MSF se concentrent sur le camp de Dagahaley, où ses équipes fournissent des soins complets aux personnes réfugiées et aux communautés hôtes via deux postes de santé et un hôpital de 92 lits. En plus de la santé générale, les équipes MSF offrent des soins de santé sexuelle et reproductive, y compris de la chirurgie obstétrique d'urgence, une assistance médicale et psychologique pour les survivant·e·s de violences sexuelles, des soins de santé mentale, des services d'insuline à domicile ainsi que des soins palliatifs.

Les programmes MSF à Dadaab bénéficient du soutien de la Chaîne du Bonheur