Urgence climatique : pic de paludisme sans accès aux soins à Madagascar

MSF aide humanitaire Madagascar paludisme

Madagascar6 min

Madagascar est un des pays le plus touché par le paludisme. Selon le ministère de la Santé Publique, le nombre de cas de paludisme notifiés en 2023 a dépassé le seuil épidémique national. 2,8 millions de cas et 400 décès ont été enregistrés contre 1,7 million en 2022. Décryptons la situation à l'occasion de la journée mondiale du paludisme (25 avril).

Le district d’Ikongo, où Médecins Sans Frontières est présente, est confronté à une double crise de paludisme et de malnutrition, aggravée par des obstacles géographiques. Les enfants de moins de 5 ans sont le plus à risque de complications. Selon les estimations de l’USAID, le paludisme touche environ 7,5 % des enfants de moins de cinq ans dans le pays.

Autre défi, la période de pic de paludisme qui s’étend de novembre à mai coïncide avec la saison des cyclones et des pluies qui dure d’octobre à mai. Les routes pour rejoindre les centres de santé deviennent donc difficiles à pratiquer.

Difficultés d’accès aux soins de santé

Durant la période de pluies et de cyclones, l'accès aux soins de santé devient plus difficile, ce qui met encore plus en péril la vie des enfants malades, les empêchant d'être traités à temps. « Quand la pluie est trop abondante, nous avons des difficultés à prendre en charge les enfants. Les routes deviennent boueuses et peu praticables. Les eaux environnantes montent également. Nous, comme les patient·e·s avons des difficultés à nous déplacer, même pour nous rendre au centre de santé ou pour les renvoyer chez elles et eux » explique le Docteur Nantenaina, médecin auprès du Centre de Récupération Nutritionnelle Intensive (CRENI) tenu par MSF. 

Pour arriver ici, j’ai dû faire 4 heures de marche et une traversée dans l’eau, tout en portant mon fils sur mon dos.

Soanary

Dans les zones difficiles d’accès comme le district d’Ikongo, la distance géographique entre les ménages et les structures de santé est importante. « Après avoir vu que l’état de mon fils s’aggravait, je me suis enfin décidée à l’emmener voir le médecin » témoigne Soanary. Son enfant de 4 ans qui souffre à la fois de malnutrition et de paludisme.

Photo de Soanary et de son fils, Clairy, dans le centre de récupération nutritionnelle intensive tenu par MSF. Madagascar.

Photo de Soanary et de son fils, Clairy, dans le centre de récupération nutritionnelle intensive tenu par MSF. « Tout ce que j’espère, c’est qu’un jour il soit en pleine forme et puisse recommencer à jouer comme tout·e·s ses ami·e·s ».

© Miora Rabearisoa/MSF

Soanary n’est pas la seule dans ce cas. Le manque de transport et le mauvais état des routes ne permettent pas aux communautés de rejoindre facilement les centres de santé ou les points de traitements paludiques, particulièrement pendant la saison des pluies et des cyclones. Conséquence : les populations ne vont se rendre à l’hôpital qu’une fois l’état de santé devenu très grave.

Le changement climatique au cœur de la crise 

Madagascar est l’un des pays les plus menacés par le dérèglement climatique. Le pays est gravement touché par les phénomènes météorologiques extrêmes qui fragilisent les conditions d’accès aux structures de santé ainsi que l’état sanitaire et nutritionnel global. Une situation qui a en partie favorisé l’augmentation des cas de paludisme et de malnutrition. 

Selon l’organisation mondiale de la Santé, l'incidence du paludisme et la mortalité due à cette maladie ont connu une augmentation de 25 à 55 % entre 2015 et 2022 tandis que selon le rapport mondial sur le paludisme de 2023 l'incidence a augmenté de plus de 100 % entre 2000 et 2022. 

Les changements de température et de précipitations, ainsi que les vagues de chaleur et d’inondations qui s’en suivent, peuvent avoir un impact sur le comportement et la survie du moustique anophèle porteur du paludisme et entraîner une augmentation de la transmission et de la charge de morbidité de la maladie.

Dans le district d’Ikongo, une région au climat tropical humide, les impacts du changement climatique se font encore plus ressentir. En cas de fortes pluies ou de passage d’un cyclone, en plus du problème d’accès aux structures sanitaires causé par la dégradation des infrastructures routières, ce sont également les inondations des plantations et rizières qui viennent exacerber une situation nutritionnelle déjà précaire et fragiliser la santé globale de la population.

Le district d’Ikongo est souvent frappé par des événements météorologiques extrêmes, ce qui réduit encore davantage l’accès aux structures de santé pour les populations.

Le district d’Ikongo est souvent frappé par des événements météorologiques extrêmes, ce qui réduit encore davantage l’accès aux structures de santé pour les populations.

© Miora Rabearisoa/MSF

« En période de pluie, nos centres de santé reçoivent beaucoup de cas de paludisme » explique Evelyne, infirmière auprès du centre de santé primaire d’Ikongo. En effet, les périodes de pic coïncident avec la saison de pluie et de cyclones dans le pays. « Nous recevons au minimum un nouveau cas d’enfant malnutri atteint de paludisme présentant des complications chaque semaine durant les périodes de pluie » témoigne le Docteur Nantenaina.

Face à l’insécurité alimentaire exacerbée par les différents phénomènes climatiques et les cyclones, nos équipes ont intensifié leurs interventions dans la partie sud du pays, la plus impactée.  Aujourd’hui, MSF appuie 7 centres de santé primaire et 2 centres de récupération nutritionnelle intensive dans le diagnostic et la prise en charge des enfants atteints de malnutrition, dans le district d’Ikongo.