Le voyage d’un frigo en République démocratique du Congo

La région est si difficile d’accès que le problème a longtemps été ignoré. On estime que 85% des cas de maladie du sommeil se trouvent en RDC.

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Une équipe de MSF va dépister 40 000 personnes contre la maladie du sommeil dans le nord de la RDC. Cette région très difficile d’accès est l’un des principaux foyers de la maladie.

Parcourir les pistes boueuses de la forêt tropicale en moto et naviguer en pirogue sur des rivières en crue avec un réfrigérateur, un microscope et un générateur n’est pas une tâche facile. C’est pourtant le défi que va relever Will Turner, coordinateur de projet pour Médecins Sans Frontières (MSF), et son équipe ces prochaines semaines. Cette véritable expédition vise à tester 40 000 personnes contre la maladie du sommeil ou THA (trypanosomiase humaine africaine) dans les villages reculés de la République démocratique du Congo (RDC).
La localité de Bili, dans l’extrême nord du pays, se situe dans une zone fortement boisée entre la rivière Uélé et la frontière avec la République centrafricaine. La région est l’un des principaux foyers de la THA, une maladie mortelle transmise par la mouche tsé-tsé. Mais la région est si difficile d’accès que le problème a longtemps été ignoré. On estime que 85% des cas de cette pathologie se trouvent en RDC.
«Nous sommes venus dans cette zone parce que c’est le foyer le plus actif au monde», explique Will Turner. «Mais cette maladie mortelle n’est tout simplement pas pris en charge ici en raison de l’insécurité et de l’isolement de la région.»
Début avril 2013, une équipe mobile de MSF a installé une salle de laboratoire et de traitement à l’hôpital de Bili et a commencé à tester les populations locales. Une fois que les habitants de la ville auront été dépistés, l’équipe s’occupera de quelque 50 villages répartis dans la forêt tropicale environnante. Les personnes positives seront transférées à l’hôpital de Bili.

Défis logistiques énormes

«L’équipe sera sur la route pendant trois à quatre semaines d’affilée», continue Will Turner. «Parfois, ils se déplaceront à travers la forêt à moto sur des sentiers à peine accessibles. Ils arriveront dans un nouveau village chaque jour et dormiront dans des tentes. Nous espérons ainsi pouvoir trouver et soigner plusieurs centaines de patients infectés.»
Les défis logistiques sont énormes. Approvisionner Bili en matériel peut prendre jusqu’à un mois. Les petits avions utilisés atterrissent sur une piste improvisée dans la forêt et ne peuvent apporter que de petites cargaisons à la fois. Les camions doivent être chargés sur des radeaux pour traverser les rivières. Les pistes boueuses sont souvent bloquées par des arbres renversés. Pendant la saison des pluies, de nombreux villages sont complètement inaccessibles.
De plus, le test pour la maladie du sommeil est complexe. Il comporte plusieurs composantes qui doivent être réfrigérées en permanence. Un générateur et un réfrigérateur sont donc nécessaires, y compris dans les zones les plus reculées. Pour établir un diagnostic, des techniciens de laboratoire expérimentés ont besoin d’outils tels que des microscopes et des centrifugeuses, qui doivent également être transportés à travers la forêt tropicale.

«Chaque personne traitée est un pas dans la bonne direction»

A Bili, Will Turner et son équipe espèrent terminer ce qui a été commencé il y a quatre ans, quand une équipe MSF a dépisté et traité 120 patients atteints de la maladie du sommeil dans la région en seulement trois mois, avant que le projet ne doive être suspendu pour des raisons de sécurité. A quelques heures de vol de là, une autre équipe MSF est à pied d’œuvre pour endiguer la maladie du sommeil dans et autour des localités de Dingila et Ango.
«En dépistant et traitant les patients sur une large zone, nous sauvons avant tout des vies mais nous réduisons également la prévalence de la maladie», avance Will Turner. «Chaque personne traitée est un pas dans la bonne direction.»
La difficulté du terrain, les contraintes logistiques et l’insécurité régionale ne sont pas les seuls défis. «Tant qu’il n’y aura pas d’outils de diagnostic et de traitement plus simples et mieux adaptés ainsi que des financements fiables pour les programmes nationaux, l’élimination de la maladie continuera d’être un combat difficile», conclut Will Turner.

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