Venezuela: fournir des soins de santé aux communautés indigènes

MSF distribution bateaux Mai 2023, Venezuela.

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Les rivières servent de routes et la forêt tropicale s’étend jusqu’à l’horizon dans l’État du Delta Amacuro, un vaste territoire bordant l’océan Atlantique dans le nord-est du Venezuela. Largement inaccessible, cette région abrite un grand nombre de communautés indigènes qui rencontrent des difficultés considérables pour accéder aux soins de santé.

Adelia, âgée de 18 ans, est enceinte de 38 semaines. Elle n’a bénéficié d’aucun examen prénatal. Membre de la communauté Warao, elle avait prévu, dès le début des douleurs de l’accouchement, de rendre visite au wisirato, un guérisseur spirituel et pourvoyeur de médecine traditionnelle qui joue un rôle important dans sa culture. Mais lorsque les douleurs de l’accouchement ont commencé, elles étaient si fortes qu’Adelia a eu peur.

La veille, Adelia avait remarqué deux bateaux portant des drapeaux avec une figure rouge sur fond blanc qui naviguaient sur le fleuve Orénoque. Elle a reconnu qu’il s’agissait de bateaux de Médecins Sans Frontières (MSF) et réalisé qu’ils étaient en route pour fournir des soins médicaux dans la communauté voisine de Nabasanuka.

Après avoir persuadé sa mère de l’accompagner, elles se sont mises en route. Elles ont pagayé pendant deux heures sur leur curiara, un long bateau en bois léger, pour parcourir le trajet jusqu’à la clinique ambulatoire de Nabasanuka.

Dans la salle d’accouchement de la clinique, Adelia se sent presque accablée par la chaleur et l’humidité. Mais, sur les instructions de l’équipe médicale, elle pousse fort et avec détermination. En raison de son jeune âge et du manque de surveillance médicale pendant sa grossesse, l’accouchement d’Adelia a été considéré par le personnel de santé comme présentant un risque élevé. Malgré cela et en dépit des limites d’un centre de santé ne disposant que d’installations de base, Adelia entend, à 9 h 30, les premiers pleurs de son fils José Antonio, un bébé fort et en bonne santé qui mesure 52 cm.

Depuis juillet 2022, les équipes de MSF travaillent aux côtés des autorités locales pour apporter des soins de santé de base aux communautés isolées de l’État du Delta Amacuro. L’accès est un défi en soi : l’État densément boisé s’étend sur plus de 40 000 km². La plupart des communautés indigènes vivent dispersées le long des rives de l’Orénoque, qui demeure la principale voie de communication de la région. Pour atteindre les cliniques où elles prodiguent des soins, les équipes de MSF doivent voyager par bateau à moteur pendant au moins six heures depuis Tucupita, la capitale de l’État. De leur côté, les gens doivent souvent pagayer sur leurs canoës pendant des heures, voire des jours, pour consulter un médecin.

Les communautés indigènes de cette région souffrent entre autres de plusieurs maladies évitables causées par les conditions précaires dans lesquelles elles vivent et par les multiples obstacles qu’elles rencontrent pour accéder aux soins de santé. Il s’agit notamment de maladies transmises par l’eau, telles que les parasitoses et les diarrhées, de maladies propagées par les moustiques et d’autres insectes comme le paludisme, d’infections respiratoires, d’affections cutanées et de malnutrition. L’absence de soins prénatals et postnatals augmente également les risques pour les femmes enceintes et leurs bébés.

Les difficultés d’accès aux services de santé que connaissent les communautés de la région sont liées aux barrières linguistiques et aux différences culturelles avec les équipes médicales en visite. Les pénuries de médicaments et de matériel médical dans toute la région compromettent aussi l’accès aux soins. « Les difficultés à recruter du personnel dans ces endroits isolés et le manque de fournitures et de médicaments contribuent également aux difficultés rencontrées par les communautés pour obtenir des soins médicaux adéquats et de qualité », explique Carlos Dominguez, coordonnateur de projet MSF dans le Delta Amacuro.

En collaboration avec les autorités locales, MSF travaille dans deux cliniques ambulatoires dans les communautés de San Francisco de Guayo et de Nabasanuka, toutes deux situées dans la municipalité d’Antonio Díaz, dans l’est de l’État. Trois semaines par mois, une équipe multidisciplinaire de MSF composée de médecins, d’infirmières, de pharmacien·ne·s, de spécialistes de l’eau, de l’assainissement, de la logistique et de la promotion de la santé s’installe au point de santé, fournissant des soins médicaux généraux à environ 70 personnes par jour.

La promotion de la santé est un aspect important du travail de MSF à Delta Amacuro. 

En informant les gens, il est possible de les sensibiliser à des pratiques saines, à une bonne hygiène et à la prévention des maladies, sans négliger les traditions de la communauté. Non seulement cela a un impact direct sur la santé des gens, mais cela favorise également l’autonomie de la communauté et une approche proactive de la santé. 

Carlos Dominguez, coordinnateur de projet MSF dans le Delta Amacuro.

MSF organise également des transferts hospitaliers pour les patients et les patientes qui ont besoin de soins spécialisés. L’équipe médicale de MSF a contacté les autorités sanitaires pour demander un bateau-ambulance de Tucupita pour Jésus, trois ans, qui a besoin d’un traitement urgent qui n’est pas disponible à Nabanasuka. Les parents de Jésus ont pagayé pendant quatre heures pour l’amener à la clinique de Nabanasuka et il leur faudrait sept jours pour pagayer jusqu’à Tucupita, alors que le voyage en ambulance ne dure que six heures.

Le travail de MSF dans l’État du Delta Amacuro témoigne de l’importance de fournir des services médicaux de base à tout le monde, quelles que soient la situation géographique ou les circonstances. MSF continue de souligner que l’accès à des soins de santé est un droit fondamental qui doit être respecté pour chaque individu, même dans les régions les plus isolées et les plus défavorisées.

À la clinique de Nabansuka, Adelia discute avec un promoteur de santé de MSF des avantages de l’allaitement maternel. « Yakera wito », dit-elle avec un grand sourire. Cela signifie « bonjour » en langue warao, mais c’est aussi une façon d’exprimer sa gratitude.

Un chef de la communauté warao assiste à la scène et observe : « Lorsqu’un médecin se trouve à proximité d’un village, les gens se sentent calmes et heureux ».

Adelia est maintenant prête à remonter la rivière et à rentrer chez elle pour présenter le bébé José Antonio au reste de sa communauté.