Kirghizistan: «J'avais le choix : mourir ou me battre contre la tuberculose»

14 janvier 2015, Kara-Suu, Kirghizistan

Kirghizistan6 min

L’histoire de la première patiente MSF guérie d'une tuberculose multi-résistante. Il y a quatre ans, Rimma*, une étudiante de 22 ans, a commencé un traitement contre la tuberculose (TB). Comme la bactérie devenait de plus en plus résistante au traitement, les médicaments qu'elle devait prendre étaient davantage nocifs pour son estomac.

Après avoir rejoint le programme de MSF à Kara-Suu, Rimma est devenue la première patiente MSF au Kirghizistan à être guérie de la maladie grâce à de nouveaux médicaments. Elle raconte son histoire.

« J'avais 18 ans et j'étudiais à l'université quand on m'a diagnostiquée la tuberculose. Il s'est avéré que quelqu'un de l’université était malade, alors sept ou huit personnes ont fini par contracter la tuberculose, et j'étais l'une d'elles. Je n'ai jamais su qui c'était.

Après une radiographie, on m'a dit que j'avais la tuberculose

Avec la grippe, j'ai normalement une mauvaise toux, alors quand je suis tombée malade, j'ai pensé que c’était pareil. Mais après quelques semaines, la toux s'est aggravée, alors je suis allée chez le médecin. Après une radiographie, on m'a dit que j'avais la tuberculose. J'ai été immédiatement admise dans un hôpital spécialisé pour soigner cette maladie. 
 

Après six mois de traitement ambulatoire, j'ai eu une hépatite à cause de tous les médicaments que je prenais.

Rimma, patiente guérie de la tuberculose multi-résistante

Deux semaines après le début du traitement, ils ont découvert que la souche de TB que j'avais était résistante aux médicaments habituels. J'ai passé trois mois dans le service de tuberculose multirésistante (TB-MR) avant de passer à un traitement ambulatoire. Après six mois de traitement ambulatoire, j'ai eu une hépatite à cause de tous les médicaments que je prenais. Les médecins ont arrêté les médicaments pendant deux semaines pour que mon foie se repose, mais après cela, je n’arrivais à plus prendre de médicaments. Chaque fois que je regardais les pilules, je ne me sentais pas bien. Je n'arrivais même pas à garder la nourriture que je mangeais.  

14 janvier 2015, Kara-Suu, Kirghizistan

MSF vise à introduire de nouveaux traitements et travaille avec le ministère de la Santé pour encourager l'adoption des soins ambulatoires dans d'autres régions.

© Pierre-Yves Bernard/MSF

Interruption de traitement

Pendant les mois qui ont suivi, je n'ai pas pris mes médicaments, je ne voulais pas. J'ai interrompu le traitement. Et lentement, j'ai commencé à perdre du poids, ma toux est revenue, j'avais des maux de tête : tous les symptômes revenaient. J'ai quand même refusé d'aller voir un médecin. Mais après quelques mois comme ça, je me suis retrouvée à l'hôpital.

Juste au moment où je m'attendais à commencer un traitement ambulatoire, les médecins m'ont dit qu'ils ne pouvaient plus me donner de médicaments dans le cadre du programme régulier de prise en charge puisque je suivais un traitement depuis deux ans déjà. Je les ai suppliés de me fournir un traitement pendant encore quelques mois, puis on m'a dit que MSF avait un programme similaire pour les personnes atteintes de tuberculose multirésistante. Je suis donc allée voir MSF.

Je me suis promis que je n'interromprais plus le traitement, que je ferais tout pour continuer.

Rimma, patiente guérie de la tuberculose multi-résistante

Le médecin MSF m'a demandé à plusieurs reprises si j’allais continuer le traitement. Je suppose qu'il connaissait mes antécédents d'interruption de traitement. Quand j'ai vu dans ses yeux qu’il doutait, je me suis promis que je n'interromprais plus le traitement, que je ferais tout pour continuer.

Une tuberculose devenu ultrarésistante

Deux semaines plus tard, j'ai appris que ma tuberculose multirésistante était devenue ultrarésistante aux médicaments (TB-UR). Le traitement m'a donné des effets secondaires énormes. Je vomissais, j'avais de violents maux de tête, même mes jambes me faisaient mal. Je n'arrivais pas à dormir.

Il y avait une pilule qui fonçait ma peau - j'avais l'air bronzée, mais pas d'une façon saine.  Et j'ai pris du poids, environ 10 kg. 

Les gens qui ne savaient pas que j'étais malade me demandaient sans cesse pourquoi j'étais si grosse et ce qui m'était arrivé. Je portais des lunettes et des chapeaux pour que les gens ne me reconnaissent pas.

Quand j'avais 18 ans et que j'ai reçu mon premier diagnostic de tuberculose, j'ai pleuré et j'ai été déprimée pendant environ un mois. Je ne pouvais parler à personne. Je n'arrêtais pas de demander : "Pourquoi moi ?" Je pensais que ma vie était finie.

Mais quand on m'a dit que j'avais la tuberculose TB-UR, je me suis posé quelques questions : que vais-je faire ? Vais-je continuer à m'apitoyer sur mon sort ? Vais-je mourir ? Vais-je infecter mes proches ? Ou vais-je combattre la tuberculose ?

J'ai choisi de me battre parce que je voulais vivre.

Rimma, patiente guérie de la tuberculose multi-résistante

J'étais censée guérir plus tôt. Depuis, j'ai vu beaucoup de gens mourir de la tuberculose. Et c'est pourquoi j'ai décidé que je n'avais qu'une seule option : j'ai choisi de me battre parce que je voulais vivre.

Quelque chose comme la tuberculose règle votre vie : vous savez qui est un vrai ami et qui ne l'est pas. Avant de tomber malade, je croyais que tous étaient mes amis. Mais seuls quelques-uns de mes camarades de classe sont venus me rendre visite, et la plupart de mes soi-disant amis ont disparu.

Peur de perdre la seule amie qui me restait

J’avais une meilleure amie. Elle était à l’étranger quand j’ai été diagnostiquée tuberculeuse. Je ne lui ai pas dit pour la tuberculose, juste que j’étais malade. J’ai menti car j’avais peur de perdre la seule amie qu’il me restait. Mais quand elle est revenue, elle a compris. Elle seule est restée à mes côtés.

Imaginez à quel point j’étais heureuse lorsque les médecins m’ont dit que j’étais guérie. J’ai un travail maintenant, et je pense retourner à l’université. Je veux oublier tout ce qui se rapporte à la tuberculose, tout laisser derrière moi. Je veux commencer une nouvelle vie. »

*Nom modifié pour protéger la confidentialité des patients.