Défis et réussites d'une vaccination massive des enfants dans une zone reculée de RCA

Chanelle vaccination Kembé. RCA, Mars 2023.

République centrafricaine (RCA)6 min

Grâce à des interventions d'urgence, Médecins Sans Frontières (MSF) appuie le Ministère de la Santé en République centrafricaine (RCA) pour améliorer l’accès aux soins à la population.

« Je sais que sans vaccin, un enfant peut attraper la maladie et même la mort. C’est pour ça que j’ai emmené mes trois enfants à l’hôpital dès que j’ai appris que MSF faisait cette campagne de vaccination, témoigne Chanelle, 20 ans et mère de trois enfants, à Kembé, une petite ville dans le sud de la République centrafricaine. Je suis rassurée maintenant, parce que je sais qu’ils seront bien protégés pour les années à venir. »

Situé dans la préfecture de la Basse-Kotto, le district sanitaire de Kembé – Satema est particulièrement isolé du fait de l’état de dégradation avancée des routes pour y accéder. L’insécurité liée au conflit a poussé également un certain nombre de personnes à se déplacer ailleurs dans le pays, y compris les professionnel·le·s de santé.

Dr Régis Ngazanguinza RCA, Mars 2023.

Le Dr Régis Ngazanguinza, de l'équipe d'urgence MSF à l'hopital de Kembé. RCA, Mars 2023.

© Kristen Poels/MSF

Après une alerte lancée par les autorités du district au printemps 2022 pour de possibles épidémies de coqueluche et de rougeole, une équipe du laboratoire mobile de MSF s’est rendue sur place pour confirmer les cas grâce à l’analyse d’échantillons de sang, en collaboration avec l’Institut Pasteur.

Après un délai dû à des raisons sécuritaires et administratives, en janvier 2023, nous avons lancé une intervention d’urgence d’une durée de trois mois. Durant cette période plus de 40 000 enfants de six mois à 14 ans ont été vaccinés contre la rougeole et plus de 14 000 enfants de six semaines à cinq ans contre la coqueluche.

Au total, six vaccins différents ont été administrés aux enfants afin de les protéger au mieux contre différentes maladies comme la rougeole, la rubéole, la tuberculose, la polio ou encore la méningite.

De nombreux défis logistiques

Compte tenu des difficultés d’accès et des capacités limitées du Ministère de la Santé à répondre sur tout le territoire, MSF a décidé en 2014 de créer une équipe d’urgence, appelée EURECA (Equipe d’Urgence En République Centrafrique), pour agir rapidement et efficacement en cas d’alertes sanitaires. Celle-ci a pour objectifs la surveillance, l’investigation et la confirmation d’alertes. Puis, si nécessaire, elle apporte la première réponse aux urgences médico-humanitaires sur le territoire.

« Les contraintes logistiques et les moyens que demande ce type d’intervention sont très importants. Surtout au début de l’activité, où il a fallu former tout le personnel, souligne Lydia Flore Mawourka Dawa, sage-femme de formation et superviseuse des sites de vaccination pour MSF. Il faut sensibiliser les équipes recrutées sur place en continu et les amener à comprendre leur rôle dans le circuit de la vaccination. »

Pour mener à bien cette campagne, trois passages ont été nécessaires. A chacun d’entre eux, environ 500 personnes, réparties dans 56 équipes fixes et mobiles de vaccination, avec le soutien de plus de 100 mobilisateur·rices et autant de taxis-motos, ont été impliquées ; essentiellement pour l’acheminement des vaccins et du matériel de chaîne de froid. « La plus-value de MSF réside dans sa capacité à développer des stratégies mobiles avancées », affirme docteur Régis Ngazanguinza, médecin d’EURECA.

Lydia Flore Mawourka Dawa vaccination MSF. RCA, Mars 2023.

Lydia Flore Mawourka Dawa, superviseuse des sites de vaccination pour

© Kristen Poels/MSF

Au-delà de cette campagne de vaccination, MSF a soutenu les structures de santé existantes. Dans l’arrière-pays, la majorité des centres et postes de santé manquent de ressources humaines, de médicaments et d’équipements. Et les populations qui doivent payer pour avoir accès aux soins, renoncent souvent à se déplacer.

« Notre rôle est de soutenir et d’améliorer la qualité des soins. Beaucoup de décès sont dus à une arrivée trop tardive des patient·e·s. D’autres cas sont le résultat d’intoxications médicamenteuses liées à la médecine traditionnelle », explique Régis.

Une collaboration essentielle

« Cet hôpital [à Kembé] est le seul du district qui compte pourtant près de 100 000 habitant·e·s. Nous avons une capacité de 25 lits, dont neuf seulement avec matelas, nous manquons cruellement d’instruments au bloc opératoire et notre pharmacie est en rupture de paracétamol et d’antibiotiques par exemple. Le soir, nous devons opérer à la lampe torche car l’électricité ne fonctionne pas », regrette Adrien Boy-Mbet, major du bloc opératoire de l’hôpital de Kembé.

Malgré ces difficultés, les équipes locales du Ministère de la Santé se sont mobilisées dès le premier instant. La collaboration du District Sanitaire et des chef·fe·s des formations sanitaires a été cruciale tout au long de cette campagne de vaccination.

En plus de fournir une couverture vaccinale complète à des milliers d’enfants, cette intervention a offert une opportunité de formation du personnel local. Et enfin, elle incarne un message crucial : celui de rappeler aux populations de cette zone qu’elles ne sont pas oubliées.

Actuellement, MSF mène 12 projets de soins de santé de base et spécialisés dans tout le pays, avec une attention particulière accordée à la santé maternelle et infantile, la chirurgie, les violences sexuelles, le traitement du VIH et la tuberculose