Tchad: trois ans d’activités prennent fin dans la région du lac

07.05.2018, Tchad

Tchad10 min

Le pic d’urgence s’éloigne dans la région du Lac au Tchad, et MSF a pris la décision de se désengager progressivement entre 2017 et 2018. Les activités ont pris fin en juin 2018.

Afin d’assurer la continuité des services offerts, le retrait des activités s’est déroulé de façon progressive, en coordination avec le ministère de la Santé et les partenaires humanitaires actifs dans la région.

Retour sur ces trois dernières années d’activité.

Une crise humanitaire régionale


A partir de 2013, une crise humanitaire violente s’est abattue sur la région du Lac Tchad. Des centaines de milliers de personnes, le long des côtes du lac Tchad, entre le Niger, le Nigeria, le Cameroun et le Tchad, ont été forcées à abandonner leur foyer et à fuir des violences incessantes, des attaques brutales, des pillages et  la destruction systématique de villages entiers, des opérations militaires et des combats entre les forces militaires et les groupes armés.

Deux ans après, en 2015, selon les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), près de 1,4 million de personnes étaient déplacées dans le nord du Nigeria, et environ 170 000 personnes avaient fui du Nigeria vers le Cameroun (56 000), le Tchad (14 000) et le Niger (100 000).

Un déplacement massif de population dans la région

En 2015, la côte tchadienne du Lac faisait face à un déplacement massif de population dans la région : 48 000 déplacés internes, selon les données du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA) se sont ajoutés aux milliers de réfugiés nigérians qui fuyaient les violences.

Un an plus tard le nombre de déplacés, retournés et réfugiés s’élevait à plus de 125 000 personnes dans la région du Lac.

C’est donc dans ce contexte, quand les conditions de vie étaient tellement précaires que la survie de ces milliers de personnes était menacée, que MSF est intervenue en mars 2015.

Deux projets ont alors été mis en place, à Bol et à Baga Sola, pour faire face au vide sanitaire dans la zone et aux besoins urgents d’une population en fuite, dépourvue de tout. Les équipes MSF ont secouru des centaines de milliers de personnes aux conditions de vie précaires, vivant sous des abris en paille sans accès à l’eau potable ni aux soins de santé, sans ressource nutritionnelle ni service d’hygiène.

La plupart des pathologies soignées étaient liées à un système d’assainissement défaillant et au manque de nourriture et d’eau potable, d’abris et de services médicaux adéquats. De plus, bien d’autres pathologies n’étaient pas physiques mais mentales. Des cicatrices bien plus profondes liées aux violences subies, aux évènements brutaux tels que tortures et enlèvements, au traumatisme de devoir tout abandonner, de voir sa propre famille déchirée avaient fortement affecté la santé mentale de la population.

Entre 2015 et 2018, les équipes MSF ont géré des cliniques mobiles aux alentours de Baga Sola, Bol, Liwa et Kiskawa, pour dispenser des soins de base et de santé mentale aux déplacés et aux populations locales. MSF a aussi soutenu le centre de santé de Tchoukoutalia et a fourni des soins de santé mentale aux réfugiés nigérians dans le camp de Dar es Salam.

A Bol, MSF a garanti la réhabilitation du bloc opératoire et du service de maternité de l’hôpital régional où les équipes MSF ont aussi soutenu le service de pédiatrie et nutrition. Dans les îles Fitiné et Bougourmi et dans le district de Sawa les équipes ont soutenu la maternité et les activités de promotion de la santé maternelle. Grâce à ces activités en collaboration avec le ministère de la Santé, 3 861 consultations prénatales et 1 036 accouchements sous contrôle médical ont été possibles à Bol entre 2015 et 2018.

Le personnel MSF a aussi partagé des moments très difficiles avec la population de cette zone du pays et a répondu présent pour soutenir et fournir une aide nécessaire lors des attaques meurtrières à Baga Sola en Octobre 2015 et sur l’île de Kelfoua en décembre 2015.

La crise s’affaiblit, mais les besoins restent

Après une phase d’extrême urgence humanitaire dans la région du Lac, entre 2015 et 2016, la région est en train de bénéficier d’une phase d‘accalmie relative.

Malgré des épisodes violents et la poursuite des attaques qui continuent de déstabiliser sporadiquement la zone insulaire la plus externe du lac, et une fragilité socio-économique persistante,  le pic de l’urgence s’éloigne.
Les conditions de la population déplacée se sont améliorées grâce aux services d’assistance garantis par les différents acteurs humanitaires présents, et des mouvements de retour ont été rapportés
 : près de 51 000 personnes parmi les déplacés sont retournées dans leurs villages d’origine selon l’Organisation internationale pour les migrations. Cependant les besoins humanitaires sont encore présents et les dynamiques de retour nécessitent sans doute un déploiement de services et de solutions durables pour une réintégration dans la dignité et la sécurité.

La décision de MSF 

« La décision de se désengager de la région du Lac, n’a évidemment pas été facile à prendre » raconte Hassan Maiyaki, chef de mission MSF. « Aujourd’hui, la situation d’urgence à l’origine de notre intervention à Bol et Baga Sola est passée. Le pic de l’urgence dans la région du Lac s’éloigne, des signes de stabilisation augmentent parmi la population locale et déplacée, et d’autres acteurs nationaux et organisations de développement sont sur place.

Pendant la période de désengagement MSF a soutenu l’hôpital régional de Bol et les centres de santé aux alentours de Bol et Baga Sola à travers des dons de médicaments, une formation fournie au personnel et des dons de charrettes et chevaux pour garantir le transport des malades avec complication vers les structures sanitaires. Dans le centre de santé de Liwa, utilisé aussi comme hôpital de district malgré la faible capacité d’accueil, l’équipe MSF a construit une salle d’hospitalisation de 10 lits et a garanti l’équipement biomédical et la formation du staff de l’hôpital.

MSF reste présente au Tchad à l’est et au sud du pays et dispose d’une unité de réponse aux urgences (CERU) capable de déclencher une intervention rapide et de délivrer des soins médicaux en moins de 72 heures.

A Am Timan, dans la région du Salamat, MSF soutient l’hôpital lors du pic de la crise nutritionnelle, jusqu’à la fin d’octobre 2018, pour soigner les cas de malnutrition sévère avec complications médicales. En outre, MSF apportera son soutien aux services de néonatologie et de maternité en cas d’accouchement avec complications. MSF continue ses  activités à Moissala et  a démarré une assistance médicale  dans la région du Logone Oriental suite  à un nouvel afflux de réfugiés centrafricains dans l’année 2018.

Les équipes de MSF sont également présentes dans plusieurs localités des trois autres pays qui bordent le lac Tchad. Au nord du Nigeria, MSF apporte une aide médicale essentielle aux communautés déplacées et aux populations hôtes des Etats de Borno et Yobé. MSF est présent dans des structures de santé à Maroua, Mora et Kousséri au nord du Cameroun. Une aide médicale vitale est aussi apportée dans la région de Diffa au Niger.