Marioupol: pris au piège dans une ville assiégée

Une femme marche devant un immeuble ravagée par les bombes.

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Alors que la guerre entre la Russie et l'Ukraine entre dans sa quatrième semaine, une grande partie de la population de Marioupol reste prise au piège dans la ville assiégée et les habitants vivent sous des bombardements quasi constants. Déjà privés d'électricité, de chauffage et de réseau téléphonique, ils seront bientôt sans eau, sans nourriture, et sans médicaments.

Les frappes aériennes et les bombardements au sol ont directement détruit de très nombreux immeubles d'habitation et soufflé les fenêtres de beaucoup d'autres. Il est pratiquement impossible de se mettre à l'abri et, loin de faire tout ce qui est possible pour éviter les victimes civiles, il semble maintenant qu'elles soient délibérément ciblées. Depuis le début du pilonnage de Marioupol, le 24 février, les autorités ukrainiennes estiment que 2 500 personnes ont été tuées et bien plus encore blessées.

Avec des températures inférieures à 0° la nuit et des systèmes de chauffage qui ne fonctionnent plus, la température est la même dans les appartements et les sous-sols qu'à l'extérieur : glaciale. L'équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) et leurs familles se sont réfugiées dans le sous-sol du bureau, restant là pendant des heures. Quand nous arrivons à les contacter, nous entendons la peur dans leurs voix. Pendant les quelques moments où les bombardements s'arrêtent, la lutte pour la survie l'emporte sur la peur : ceux qui le peuvent sortent de leurs abris improvisés pour essayer de trouver le peu de nourriture, de médicaments et de soins restant dans la ville, ou pour couper du bois de chauffage et recueillir de l'eau des ruisseaux, des sources ou de la neige fondue. 

Les équipes MSF, déjà dans la ville, se sont rendues à plusieurs reprises sur place pour évaluer la situation, faire des donations de matériel médical et offrir une assistance aux personnes dans le besoin. Un grand nombre de personnes vulnérables ne peuvent ou ne veulent pas quitter leur domicile. La situation est particulièrement dramatique pour les personnes âgées et les personnes handicapées, qui dépendent de l'aide et des soins fournis par d'autres, notamment pour trouver de la nourriture, de l'eau et du bois de chauffage. Les témoignages que nous avons reçus de notre personnel pris au piège dans la ville sont douloureux à entendre. Depuis des semaines, presque personne n'a pu entrer ou sortir de la ville, pas même les travailleurs humanitaires ou celles et ceux qui tentent d'apporter des biens de première nécessité.

Le blocus a véritablement piégé la population. Elle s'est vu refuser le droit de fuir pour se mettre en sécurité et a été coupée de l'accès aux moyens de subsistance essentiels. Après Deraa, Darayya, Raqqa, Kaboul, Sarajevo et tant d'autres conflits, c'est maintenant le tour de Marioupol.

Plusieurs tentatives pour établir des voies de sortie sûres pour les personnes piégées dans la ville ont échoué, avant que, d'après les autorités, des milliers de personnes (dont certains membres du personnel de MSF et leurs familles) aient pu quitter la ville sous les échanges de tirs, grâce à un passage sécurisé exceptionnel, le 14 mars.

Chaque conflit est unique, mais MSF a appris de ses propres observations qu'un passage sûr isolé ne suffit pas. S'il peut être profitable pour ceux qui veulent ou peuvent partir, à condition bien sûr que ces couloirs dits humanitaires ne soient pas pris pour cible, le sort des civils qui n'ont pas quitté la ville est très préoccupant. Parmi ceux-ci, figure le personnel médical qui choisit de rester pour s'occuper des malades et des blessés. De tels passages dépendent de la bonne volonté de toutes les parties au conflit, volonté qui fait clairement défaut. En outre, la mise en place de ces passages ne peut pas, et ne doit pas, exonérer toutes les parties concernées de leur responsabilité de protéger les centaines de milliers de personnes qui restent piégées dans la ville encerclée. Indépendamment des trêves temporaires, le droit international exige de tous les belligérants qu'ils fassent tout leur possible pour épargner les civils, en tout temps.

MSF et d'autres organisations humanitaires sont prêtes à apporter à Marioupol le matériel et le soutien dont elle a tant besoin, mais nous avons urgemment besoin que toutes les parties prenantes nous donnent l'assurance que nos équipes seront autorisées à passer en toute sécurité. Alors que nous apportons notre aide dans d'autres régions de l'Ukraine, nous nous sentons impuissants à Marioupol, où nous assistons à des destructions catastrophiques et à des tragiques pertes de vies humaines. Nous n'avons de cesse d'appeler à la sécurité des civils et au respect du droit international humanitaire. Mais une fois encore, nous exhortons toutes les parties prenantes qui peuvent agir, de le faire tant qu'il y a encore des vies à sauver.

- Stephen Cornish, directeur general de MSF