Journée mondiale de lutte contre le sida: en RDC d’immenses défis subsistent

Techniciens

VIH/sida6 min

En 2002, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ouvraient à Kinshasa, en RDC, le premier centre de traitement ambulatoire offrant une prise en charge gratuite aux personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Vingt ans plus tard, si des progrès considérables ont été enregistrés dans le pays, des lacunes majeures subsistent encore dans l’accès au dépistage et aux traitements, causant des milliers des décès évitables chaque année.

Lorsque les portes du centre de traitement de MSF s’ouvrent en mai 2002, la situation est critique :

  • plus de 1 million d’hommes, de femmes et d’enfants vivent avec le VIH
  • le virus tue entre 50 000 et 200 000 malades chaque année, selon l’ONUSIDA.

« À l’époque, être infecté par le VIH équivalait pour beaucoup à une condamnation à mort, explique la Dr Maria Mashako, coordinatrice médicale pour MSF en RDC. Les traitements antirétroviraux (ARV) existaient, mais ils étaient hors de prix et donc inaccessibles pour l’écrasante majorité des patients. Dans les premiers mois du centre, même MSF  n’avait pas d’ARV et devait se contenter de soigner les symptômes et les infections opportunistes. C’était très dur. »

Testée positive en 1999, Clarisse Mawika, 60 ans, a bien connu cette période sombre.

« Je n’aime pas repenser à ces années-là, dit-elle. Quand on m’a annoncé le résultat de mon dépistage, j’ai pensé "prépare ton enterrement". Heureusement, ma famille s’est cotisée pour m’envoyer des médicaments d’Europe. Mais, ensuite, ils n’ont plus eu les moyens de payer. J’ai dû arrêter le traitement pendant plusieurs mois. Mon état à commencer à se détériorer. C’est à ce moment qu’une de mes connaissances m’a parlé de MSF. »

MSF, moteur dans la lutte contre le VIH/sida

Première structure de soins à offrir le traitement ARV aux patients à Kinshasa, le centre de traitement MSF a rapidement été submergé par un nombre élevé de personnes n’ayant pas d’autres possibilités de se soigner.

« C’était juste intenable, se remémore le Dr Mashako, encore jeune médecin au milieu des années 2000. Les consultations commençaient à l’aube et se terminaient durant la nuit. Il y avait tellement de patients… »

Pour élargir l’accès aux soins et aux traitements, MSF s’est lancée dans un programme de soutien à des centres de santé et des hôpitaux. Rien qu’à Kinshasa, nos équipes ont soutenu une trentaine de structures de soins.  Nos équipes ont également mis sur pied un modèle de soins pilote qui permettait, pour la première fois, à des infirmiers de prescrire le traitement et d’assurer le suivi des personnes vivant avec le VIH.  En 20 ans, ces investissements ont permis à près de 19 000 personnes de recevoir un traitement ARV gratuit et de former d’innombrables travailleurs de la santé du ministère.

Clarisse fut l’une des chevilles ouvrières du lancement des « PODIs », ces postes de distribution communautaires, pour rapprocher les traitements des lieux de vie des patients. « Quand nous avons lancé les deux premiers postes à Kinshasa en 2010, moins de vingt patients s’y approvisionnaient, détaille le Dr Mashako. Aujourd’hui, il y a des PODIs dans huit provinces, et plus de 10 000 patients viennent y chercher leurs médicaments. » L’approche s’est révélée si efficace qu’elle a fini par être intégrée dans le plan national de lutte contre le VIH/sida.

Le VIH avancé, miroir des lacunes dans la lutte

La situation en 2022 est incomparable avec celle de 2002 : grâce à l’accès au traitement facilité, le nombre de nouvelles infections a chuté de moitié.  « En 2008, face au grand nombre de patients qui arrivaient à un stade avancé, nous avons mis sur pied une unité d’hospitalisation, explique le Dr Mashako. Nous avons doublé sa capacité initiale, mais il nous arrive encore de devoir dresser des tentes pour accueillir des patients. » Depuis son ouverture, plus de 21 000 personnes ont été hospitalisées dans ce centre.

En 2021, l’ONUSIDA estimait :

  • Qu’un cinquième des 540 000 personnes vivant avec le VIH en RDC n’avait pas accès au traitement
  • Un total de 14 000 personnes étaient décédées des suites du VIH dans le pays 

La RDC dépend presque exclusivement des bailleurs de fonds internationaux dans la lutte contre le VIH/sida. Cependant, leur soutien est insuffisant face à l'ampleur des défis. En 2022, MSF soutient le ministère de la Santé dans la prise en charge du VIH/sida à Kinshasa et dans six provinces du pays (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema, Ituri, Kasaï Oriental et Kongo Central). Cet appui prend la forme d’une prise en charge directe des patients, de formations pour les prestataires de soins et d’une mise à disposition de matériel. « Le VIH ne sera pas vaincu en RDC si les acteurs ne redoublent pas d'efforts, conclut le Dr Mashako. Si je n'avais qu'un seul souhait, ce serait que MSF ne soit plus là dans 20 ans pour traiter autant de patients atteints du VIH. »