Balkans: le screening des nationalités exacerbe les besoins humanitaires

«Depuis des mois, nous demandons aux autorités des mesures concrètes pour garantir un passage sûr et légal à ceux qui en ont besoin.»

5 min

Les nouvelles mesures prises par les gouvernements de Slovénie, Croatie, Serbie et Macédoine qui ne permette l’entrée sur leur territoire qu’à certaines nationalités seulement ont des conséquences sur des centaines de personnes en transit.

Coincées aux frontières en Grèce, Macédoine et Serbie, elles ont peu d’informations sur leurs droits, leurs perspectives, et ont un accès insuffisant à l’assistance humanitaire. MSF s’inquiète des conséquences médicales et humanitaires de ces nouvelles politiques frontalières et appelle les gouvernements européens et ceux de l’ouest des Balkans à se conformer à leurs obligations en matière de protection, et à permettre aux organisations humanitaires de fournir une assistance adéquate aux personnes dans le besoin.
« La situation était déjà dramatique avant la mise en place de ce triage arbitraire, explique Stefano Argenziano, coordinateur des opérations de MSF sur les migrations. Depuis des mois, nous demandons aux autorités des mesures concrètes pour garantir un passage sûr et légal à ceux qui en ont besoin. Nous n’avons non seulement pas vu une réponse suffisante, mais la capacité des acteurs humanitaires à fournir des abris et soutenir ces personnes est limitée par les blocages imposés par les autorités locales et nationales ».

Grèce

La situation est particulièrement tendue dans le camp de passage d’Idomeni où environ 1500 personnes, qui pour la plupart n’ont pas les nationalités autorisées à traverser la frontière, sont coincées près de la Macédoine, avec presque pas d’informations sur les options envisageables. Les distributions de nourriture ne sont organisées que par des organisations de volontaires. L’arrivée quotidienne de nouveaux bus fait craindre une forte augmentation du nombre de personnes dans les jours à venir. MSF a monté 12 tentes qui offrent un abri à environ 900 personnes et se tient prête à augmenter sa capacité d’hébergement avec huit tentes supplémentaires, mais l’intensification de l’aide humanitaire est actuellement contestée par les autorités nationales et locales.
Les équipes médicales travaillent tous les jours de la semaine et ont déjà observé une augmentation des besoins de santé parmi les personnes qui sont bloquées. En particulier, nos psychologues ont constaté une hausse significative du nombre d’attaques de panique et des tentatives d’automutilation. Elles sont une conséquence directe des conditions déplorables à la frontière et de l’incertitude persistante des personnes quant à leur avenir.
« La majorité de ces personnes ont entrepris des voyages longs et pénibles pour atteindre ce point, souvent au péril de leur vie. Ils ont perdu tout ce qu’ils avaient, explique Antonis Rigas, coordinateur de MSF à Idomeni. Il est impératif que les autorités grecques ne causent pas plus de souffrance à ces gens en limitant la capacité des organisations humanitaires à répondre et en empêchant de facto de couvrir les besoins humanitaires de base ».

Serbie

A Presevo, à 10 km de la frontière avec la Macédoine, des dizaines de personnes ont été empêchées d’entrer dans le centre d’enregistrement à cause de leur nationalité et ont dû passer la nuit du 19 Novembre dehors dans le froid. Parmi eux, il y avait des femmes, y compris une femme enceinte venue d’Afghanistan qui n’avait pas ses papiers d’identités.
Dans la ville de Sid, à la frontière avec la Croatie, environ 350 personnes étaient bloquées après l’implémentation des nouvelles mesures. Certains ont expliqué qu’ils avaient passé la frontière vers la Croatie mais ont été forcés de retourner en Serbie par la police. Beaucoup montraient des signes d’abus et ont rapporté aux équipes MSF qu’ils avaient été battus et menacés par la police des frontières croate.
« Ces nouvelles procédures de distinction par nationalité peuvent produire des effets dramatiques et nous craignons qu’une partie des gens en transit ne soient forcés de se cacher à nouveau, sans accès à l’assistance humanitaire, explique Stéphane Moissaing, chef de mission de MSF en Serbie. Cette politique force les gens à emprunter des routes plus dangereuses, elle les remet aux mains des passeurs et peut les rendre victimes de plus de violence et d’extorsions ».

Un triage arbitraire à l’impact humanitaire inquiétant

Depuis des mois, MSF dénonce le manque de coordination de la réponse humanitaire, qui ne permet pas de couvrir les besoins de base en termes d’abris pour les milliers de réfugiés et migrants qui empruntent la route des Balkans à la recherche de sécurité et protection. « Autoriser le transit à travers les Balkans est jusqu’à présent la seule réponse réaliste à l’échec du système d’asile européen et à l’incapacité de la Grèce à offrir assistance et protection, affirme Aurélie Ponthieu, Conseillère humanitaire en charge des migrations pour MSF. Ce changement soudain de politique, implémentée sans aucune considération quant à la protection et aux besoins médicaux et en abris des gens montre une fois encore l’incapacité des pays européens et de l’ouest des Balkans à offrir des réponses cohérentes et humaines aux besoins des personnes désespérément en quête de protection ».
A Idomeni, en Grèce, MSF a dispensé près de 10 000 consultations médicales depuis le début de ses activités en avril. L’organisation gère aussi l’eau et l’assainissement dans le camp et travaille en collaboration avec d’autres acteurs pour offrir des repas chauds aux réfugiés et une assistance de base aux personnes qui en ont besoin. MSF travaille également sur les îles de Lesvos, Samos, Leros, Kos, Kalymnos et Agathonisi où les équipes fournissent des soins médicaux, des biens de première nécessité et des abris aux milliers de réfugiés et migrants qui traversent la mer Egée. MSF offre également une aide psychologique de base aux victimes de naufrages.
En Serbie, les équipes de MSF ont mené une moyenne de 1200 consultations médicales par semaines, soit un total de 28 232 consultations depuis décembre 2014. A Presevo, MSF a installé plusieurs tentes afin que les familles les plus vulnérables puissent dormir et se reposer et les équipes offrent également un transport quotidien aux familles avec de jeunes enfants, aux personnes âgées ou handicapées depuis la frontière. A la frontière croate, MSF est actuellement en train d’installer plusieurs tentes de 240m² adaptées à l’hiver.

Actualités en lien