Après l’urgence, la convalescence: le Mozambique, un mois après le cyclone Idai.

Buzi, 03 avril 2019

Mozambique14 min

Dans la nuit du 14 au 15 mars, le cyclone Idai a balayé la ville portuaire de Beira, au Mozambique et les districts environnants. Les vents violents et les inondations qui en ont résulté ont tué au moins 602 personnes et blessé encore davantage. Des milliers de maisons, ainsi que des écoles et des centres de santé ont été partiellement ou totalement détruits. De nombreuses familles se sont retrouvées sans abri et sans accès à l'eau potable, à l'électricité ou à la nourriture.

Alors que la tempête qui allait devenir le cyclone Idai se formait sur l'océan, à l'est du Mozambique, l'équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) à Beira a commencé à se préparer au pire. Les médicaments ont été stockés sur les plus hautes étagères pour ne pas être détruits par les eaux en crue tandis que des sacs de sable étaient placés autour des conteneurs d'approvisionnement, pour les garder au sec. Ces préparatifs ont aussi été appliqué à la pharmacie, l'entrepôt, les bureaux et les locaux d'habitation.

« Nous avons demandé à notre personnel mozambicain de prendre les mêmes précautions chez eux, d'empiler leurs affaires en hauteur sur les étagères, de protéger les fenêtres et d’être prêts à évacuer si nécessaire. Mais aucun d'entre nous n'avait vraiment la moindre idée de ce qui nous attendait » témoigne Gabriele Santi, coordinatrice du projet MSF à Beira.

L’ampleur de la dévastation n'a commencé à se dessiner que quelques jours plus tard, une fois que le réseau mobile a été partiellement rétabli. C’est alors que l'équipe internationale de MSF - qui avait été évacuée de Beira, mais bloquée par la montée des eaux à Chimoio, à quelques 200 kilomètres de là - a commencé à recevoir les messages de ses coéquipiers envoyés pendant le cyclone. Un membre du personnel a passé la nuit sur une table en plastique avec toute sa famille alors que les eaux en crue s'engouffraient dans sa maison. Un autre a perdu son toit et un troisième, coincé dans la capitale, craignait que sa famille à Beira ne soit morte. 

Dès la réouverture de l'aéroport de Beira, le 16 mars, MSF a envoyé une équipe d'urgence depuis Maputo, pour prendre des nouvelles de l’équipe restée sur place et évaluer les besoins de l'ensemble de la communauté. Rapidement, du personnel médical et logistique supplémentaire ainsi que des fournitures ont été expédiés de Maputo, Bruxelles et Dubaï.

Craintes d’une épidémie de choléra généralisée

Depuis de nombreuses années, les habitants de Beira subissent des épidémies de choléra vers la fin de la saison des pluies. Compte tenu des dommages causés au système d'approvisionnement en eau et des inondations provoquées par le cyclone Idai, une flambée épidémique était presque inévitable cette fois-ci encore. En connaissance de cause, dès le 21 mars, MSF a rapidement commencé à travailler avec le ministère de la Santé dans deux centres de santé de la ville pour isoler et soigner les patients suspectés d’avoir contracté le choléra. 

Au début, nous traitions jusqu'à 200 patients par jour dans une seule unité de traitement du choléra

Quezia Monteiro, spécialiste des maladies infectieuses pour MSF dans le cadre de la réponse au choléra

« Dans les premiers temps, la zone de triage était constamment remplie de personnes qui s'étaient évanouies à cause d’une déshydratation. Nos infirmières ont travaillé sans relâche, s'assurant que chaque patient bénéficie de la réhydratation vitale dont il avait besoin. Les plus touchés étaient, comme toujours, les plus vulnérables : les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. Nos patients les plus malades étaient également atteints du VIH et avaient besoin d'un traitement pour les deux maladies » témoigne Quezia Monteiro, spécialiste des maladies infectieuses, qui dirige normalement une clinique VIH au Munhava Health Centre, mais qui a été détachée plusieurs semaines dans le cadre de la réponse au choléra de MSF. 

Lorsque l'épidémie de choléra de Beira a été officiellement déclarée le 27 mars, trois centres de traitement du choléra – d'une capacité totale de 350 lits – étaient déjà en construction par MSF et le ministère de la Santé, complétant ainsi les deux unités de traitement du choléra déjà en place. Des unités plus petites ont ensuite été installées dans la ville reculée de Buzi, Dondo, Mafambisse, Matua et Tica, sur la route reliant Beira et la villede Chimoio. Ces centres ont été conçus non seulement pour soigner les cas déjà déclarés mais aussi pour se préparer en cas d’augmentation exponentielle du nombre de nouveaux patients souffrant du choléra.

Buzi, 05 avril 2019

Si l’eau est source de vie, une fois contaminée, elle devient potentiellement mortelle. Disposer d'eau potable en quantité suffisante est le premier travail des équipes de spécialistes en eau, hygiène et assainissement, notamment en situation d'urgence.

© MSF/Pablo Garrigos

« Le choléra est très contagieux et peut se propager incroyablement vite dans une zone urbaine surpeuplée comme Beira » explique Anja Wolz, coordinatrice d’urgence MSF à Beira. « Aux côtés du ministère de la Santé, nous avions prévu de disposer rapidement d'au moins 350 lits et de pouvoir étendre cette capacité à 1 000 si nécessaire. Nous devions nous préparer au pire tout en sachant que si nous faisions les choses correctement, main dans la main avec la communauté, le pire pourrait être évité ».

Ensemble, les équipes de MSF et du ministère de la Santé ont traité jusqu'à présent plus de 3 400 patients atteints du choléra dans la région touchée par les inondations.

L’eau propre, clé de la santé

Les autorités locales de Beira n'ont pas tardé à concentrer leur énergie pour rétablir l'approvisionnement en eau potable. Ainsi, en complément de l'eau fournie par les autorités, MSF a installé une station de traitement d'eau à Chingussura, une banlieue au nord de Beira. L’installation MSF fournit jusqu'à 7 500 litres d'eau potable par heure au centre de soins de santé local et à la collectivité locale, une zone qui n’était jusqu’alors pas desservie, même avant la catastrophe.

Les équipes MSF chargées de l'eau et de l'assainissement travaillent également dans les zones touchées par les inondations pour nettoyer des puits peu profonds, désinfecter les sources d'eau infectées et veiller à ce que les zones les plus à risque disposent du chlore dont elles ont besoin pour garder leur eau saine.

Un mois plus tard

Aujourd'hui, un mois après le cyclone, la vie est revenue à la normale à Beira. Les rues sont animées, de petits kiosques vendent des boissons fraiches, des vêtements et des produits d'épicerie. Dans certains quartiers, quelques tuiles manquantes et des arbres dépouillés de leurs feuilles sont les seuls vestiges de du cyclone Idai. Malheureusement, dans d'autres quartiers, en particulier dans ceux plus précaires que l'on trouve à travers toute la ville, les maisons restent complètement aplaties et inhabitables, et leurs habitants ont du mal à trouver de la nourriture, un abri et n'ont pas accès aux services de santé.

Au cours de la dernière semaine, les quatre centres de traitement du choléra gérés par MSF et le ministère de la Santé de Beira ont traité environ 100 nouveaux patients par jour. De nombreux patients vivent également avec le VIH, et leurs systèmes immunitaires affaiblis ralentissent le rétablissement. Compte tenu de cette baisse des arrivées, MSF est déjà en train de réduire le nombre de lits disponibles de 350 à environ 150 et ne gérera pour l'instant plus qu'un seul centre de traitement du choléra et une seule unité de traitement du choléra. « Nous ne pouvons pas encore dire que nous avons vaincu cette épidémie parce qu'il y a encore de nouveaux patients qui arrivent explique Anja Wolz, coordinatrice d’urgences MSF à Beira. D'après ce que nous voyons, le nombre de cas présumés de choléra suit une tendance décroissante. Grâce à la campagne de vaccination et à l'énorme engagement de la communauté, nous pensons que nous pourrons bientôt maîtriser cette épidémie. »

Toutefois, il n'y a pas lieu de se reposer sur ses lauriers, car de nouveaux cas de choléra continuent d'apparaître. En dehors de Beira, MSF prend en charge des patients dans des unités de 20 lits mises en place pour traiter le choléra à Dondo et à Tica et dans un centre de 12 lits à Buzi. De plus, l’organisation a préparé deux unités de traitement à Matua et Mafambisse en cas de flambée. 

MSF a également fourni un appui logistique, technique et de planification au ministère de la Santé pour une campagne de vaccination contre le choléra à Beira, Dondo, Nhamatanda et Buzi. Les équipes de MSF étaient chargées de veiller à ce que les vaccins soient stockés et transportés correctement, à ce qu'ils arrivent sur les sites de vaccination à temps et à ce que les équipes aient tout ce dont elles avaient besoin. Jusqu'à présent, près de 750 000 personnes ont été vaccinées.

Une réponse centrée autour de la communauté

Dans toute flambée, il est absolument essentiel de travailler avec la communauté pour expliquer la maladie et aider les familles à s'en prémunir. A Beira, les équipes de promotion de la santé de MSF organisent des sessions de théâtre de rue et font du porte-à-porte pour expliquer aux gens comment ils peuvent se protéger contre le choléra et comment ils peuvent accéder aux soins s'ils tombent malades.

« Après un désastre de cette ampleur, ce n'est pas seulement une bonne stratégie, c'est aussi une façon décente de travailler explique Gabriele Santi. Nous voulions montrer à la communauté que nous étions là et que nous cherchions des moyens de l'aider après la tempête ».

En même temps, notre équipe médicale de proximité a mis en place des points de réhydratation orale à travers Beira pour fournir aux résidents une solution en cas de déshydratation sévère. Une infirmière a aussi été détachées auprès de la communauté pour aider les cas suspects de choléra ou autres maladies graves près de chez eux. Les personnes devant être hospitalisées sont transférées dans l'un des centres de traitement du choléra par les ambulances MSF, qui sont coordonnées par un centre d'appel désigné. Des cliniques mobiles fonctionnent également dans les établissements éloignés des centres de santé.

Ces équipes qui travaillent au niveau de la communauté profitent également de l'occasion pour mettre en place un système de surveillance permettant de détecter rapidement les cas de paludisme et de malnutrition. Ces deux problèmes pourraient s'avérer critiques dans les semaines et les mois à venir étant donné la grande quantité d'eau stagnante et l'énorme destruction que le cyclone Idai a infligé aux récoltes. Déjà, à Nhamatanda par exemple, une augmentation du nombre de patients atteints de paludisme a été signalée. En prévention, MSF procède à des évaluations de la sécurité alimentaire et commence à distribuer des moustiquaires et des kits d'hygiène dans les villages et les villes difficiles d'accès.

Buzi, 05 avril 2019

Vue des 12 lits de l'unité de traitement du choléra mise en place et gérée par MSF aux côtés du ministère de la Santé à Buzi, province de Sofala, Mozambique.

© MSF/Pablo Garrigos

Au-delà de la destruction de Beira

Les provinces environnantes de Manica et de Sofala (dont Beira) ont été durement touchées par les inondations et les vents qui ont frappé la région pendant des semaines avant de se transformer et former le cyclone Idai. 

A Buzi, juste au sud de Beira, plus de sept mètres d'eau ont englouti la ville. Beaucoup de résidents ont tout perdu. Pour les aider à se rétablir, MSF a créé là aussi une unité de traitement du choléra et contribue à la réhabilitation du centre de santé. Les équipes se concentrent sur le service de maternité, qui permettra aux mères de Buzi d'accoucher en toute sécurité et sur le service ambulatoire, afin que les patients puissent à nouveau accéder aux soins, y compris le traitement du VIH. 

MSF a distribué des kits d'hygiène à environ 5 000 familles de Buzi pour aider à prévenir la propagation de maladies d'origine hydrique, comme le choléra et a également fourni des conseils aux membres de la communauté, pour les aider à comprendre comment le traumatisme du cyclone et les inondations peuvent les affecter psychologiquement. 

« L'importance des soins de santé est indéniable, mais la dignité est également essentielle, explique Joaquim Guinart, coordinateur du projet MSF à Buzi. Dans les jours qui ont suivi la distribution de savon et de solutions de chlore, chaque maison avait du linge propre qui séchait dehors. Une femme m'a remercié en me disant qu'elle n'avait pas été capable de laver ses vêtements durant les trois semaines qui ont suivi le cyclone. »

A l'ouest de Beira, à Dondo, où MSF gère également un centre de traitement du choléra, des familles entières tombent malades. Il s'agit d'un phénomène courant, car le choléra se propage par l'eau et les aliments contaminés, ce qui montre qu'il y a encore du travail à fournir auprès de la communauté pour sensibiliser les familles à l'importance de l'hygiène. « Heureusement, les cas à Dondo sont concentrés dans des zones spécifiques et nos équipes d'assainissement sont déjà en train d'examiner la situation, pour rendre les sources d'eau salubres » explique Esperanza Santos, coordinatrice des urgences MSF à Dondo.

Lors d'une épidémie de choléra, une famille qui mange ensemble tombe malade ensemble

Esperanza Santos, coordinatrice des urgences MSF à Dondo.


MSF compte actuellement plus de 185 employés internationaux et 800 employés mozambicains pour répondre à l'urgence causée par le cyclone Idai. Au Mozambique, au-delà de ces projets, MSF lutte contre l'épidémie actuelle de VIH et, à Beira et Maputo, s'occupe des populations les plus touchées par cette épidémie, notamment les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les consommateurs de drogues, ainsi que les patients atteints de co-infections liées au VIH comme la tuberculose et l'hépatite.