Syrie : l'accès humanitaire dans le nord-ouest doit être assuré

Une travailleuse de la santé montre comment préparer la solution de réhydratation orale (ORS) pour le traitement du choléra dans un centre de soins primaires MSF dans le gouvernorat d'Idlib.

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Médecins Sans Frontières (MSF) appelle le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) à renouveler et à prolonger d’au moins 12 mois la résolution transfrontalière sur la Syrie (UNSCR 2642), afin de permettre la poursuite de l'acheminement de l'aide humanitaire dans le nord-ouest du pays.

« Alors que nous demandons un soutien continu et renforcé pour répondre aux besoins croissants, il est crucial de maintenir le flux d'aide et de mettre un terme à la crise humanitaire qui perdure, déclare Francisco Otero y Villar, chef de mission MSF pour la Syrie. Si le CSNU ne renouvelle pas la résolution transfrontalière, ou si ce n’est pas pour 12 mois minimum, des millions de personnes auront un accès réduit à la nourriture, à l'eau et aux soins. Le non-maintien de cette aide humanitaire vitale entraînera des décès qui peuvent être évitées. »

Dans le nord-ouest de la Syrie, à la frontière avec la Turquie, actuellement, Bab Al-Hawa est le seul point de passage humanitaire ouvert. Pour les 4,4 millions de personnes qui vivent dans cette région, l’aide humanitaire qui transite par ce point de passage reste donc cruciale, car il n’y a aucune autre alternative viable pour acheminer l’aide humanitaire. 2,4 millions de personnes en bénéficient directement chaque mois.

Des besoins toujours très élevés 

Après 12 ans de guerre, les besoins en matière d'aide humanitaire et de soins médicaux dans le nord-ouest de la Syrie dépassent aujourd’hui les efforts fournis par les organisations, et ce, en dépit de ce mécanisme transfrontalier. La crise économique qui perdure, les hostilités qui se poursuivent ainsi que les financements de l’aide qui diminuent globalement réduisent la capacité des acteurs à répondre aux besoins des populations, notamment en matière de nourriture et de soins.

L’illustration la plus récente de cette crise durable est l’épidémie de choléra qui se propage en Syrie depuis septembre et qui met en danger la vie de milliers de personnes. En cas d'escalade des combats dans le nord de la Syrie, un nouvel afflux de personnes déplacées arriverait dans le nord-ouest du pays, ce qui ajouterait un fardeau supplémentaire dans la région.

En juillet, après de nombreux cycles de discussions, le Conseil de sécurité a renouvelé la résolution pour six mois seulement, la Russie ayant utilisé son veto pour bloquer tout renouvellement d’un an. Malheureusement, ce vote crucial sur la Syrie est devenu un outil de négociation politique.  La résolution sera à nouveau soumise au vote le 10 janvier 2023, et il est possible que ce qui constitue aujourd’hui le dernier point d'entrée humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie soit fermé. 

Si Bab Al-Hawa est fermé, les mécanismes de financement de nombreuses organisations humanitaires actives dans la région seront rendus plus complexes. La fourniture de l'aide dans le nord-ouest de la Syrie en serait également menacée. En effet, un grand nombre d’organisations humanitaires internationales et locales dépendent de fonds communs attachés à cette résolution transfrontalière. La menace toujours actuelle que représente le non-renouvellement de cet accord transfrontalier par le Conseil de sécurité des Nations unies crée déjà des difficultés pour les organisations opérant dans la région. De plus, la capacité de réponse aux urgences est également tributaire de ces financements. Malgré la détérioration de la situation sanitaire, et les 1,84 million de personnes déplacées – dont 80 % sont des femmes et des enfants – qui vivent dans des camps et des sites informels, les organisations non gouvernementales rencontrent des difficultés pour obtenir les fonds dont elles ont besoin. 

Pour résumer, si la résolution n’est pas reconduite par le Conseil de sécurité et que le point de passage de Bab Al-Hawa est fermé, la capacité des organisations humanitaires à fournir une aide dans le nord-ouest de la Syrie serait considérablement affectée. Cette incertitude autour de la réorganisation de l'accès au nord-ouest de la Syrie ajoutera une pression accrue sur la réponse humanitaire actuelle et impactera tant l'échelle que la qualité de l'assistance médicale offerte. En 2022, la plupart des fournitures humanitaires de MSF dans le nord-ouest de la Syrie sont passées par Bab Al-Hawa. 

« Changer la façon dont nous acheminons l'aide dans la région a un coût, et cela aura un impact sur la façon dont les autres organisations opèrent, explique Francisco Otero y Villar. Cela signifiera que des hôpitaux fermeront parce qu'ils ne peuvent plus rémunérer les personnes qui y travaillent, et que des cliniques et des centres de soins seront gérés sans certains médicaments essentiels, comme l'insuline. » 

A ce jour, le passage de Bab Al-Hawa reste l’itinéraire le plus rapide, le plus efficace, le plus transparent et le moins coûteux pour acheminer l’aide humanitaire dans le nord-ouest de la Syrie. « Des soins médicaux impartiaux doivent être garantis partout où ils sont nécessaires, déclare Francisco Otero y Villar. Il n'y a pas d’autre choix possible. Bab Al-Hawa doit rester ouvert. »