Soudan du Sud: «c’est très gratifiant de voir d’anciens enfants soldats être réintégrés dans leurs communautés»

Soudan du Sud, 21.02.2019

Soudan du Sud4 min

Au Soudan du Sud de nombreux enfants ont été contraints de combattre pendant la longue guerre civile. Les anciens enfants soldats sont maintenant accompagnés par une équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) pour réintégrer la société. Ce projet est une première pour MSF.

Interview avec la responsable des activités MSF en santé mentale Silvia Márquez.

« Au Soudan du Sud, les enfants ont été utilisés comme soldats. MSF travaille depuis février 2018 aux côtés d’autres organisations pour encourager la réintégration de ces enfants dans leurs communautés dans la ville de Yambio située dans le sud-ouest du pays.

Enlevés sur le chemin de l’école

Tous nos patients viennent de la zone de Yambio. Le plus jeune a 10 ans et le plus âgé, 19, mais la majorité ont entre 15 et 17 ans. Un tiers d’entre eux sont des filles.

Une minorité disent avoir rejoint des groupes armés volontairement, mais leur décision ayant été prise alors qu’ils étaient mineurs, ils n’étaient peut-être pas en mesure d’en comprendre pleinement les conséquences. D’autres disent que ce sont les mauvaises conditions chez eux qui les ont conduits à rejoindre ces groupes. Cependant, la majorité rapportent avoir été enlevés alors qu’ils se rendaient à l’école ou aux champs. 

Santé mentale et soins primaires

Jusqu’à maintenant, sur un total de 3 100 enfants démobilisés dans tout le pays, 983 d’entre eux l’ont été dans la région de Yambio (Unicef).

Notre équipe effectue un dépistage pour soigner toute condition médicale relative au conflit armé, dont les cas de violence sexuelle. Elle apporte également des soins en santé mentale pour les aider à surmonter les expériences vécues lorsqu’ils étaient soldats.

Au cours de l’année passée, MSF a dispensé aux enfants démobilisés plus de 1 430 consultations médicales et 911 sessions en santé mentale. 

Un accueil mitigé

Tandis que la plupart de ex-enfants soldats ont été reçus avec joie dans leurs familles, pour d’autres, retrouver des proches, potentiellement déplacés par le conflit ou même décédés, a constitué un défi. Certains sont même considérés comme des fardeaux. Dans les communautés où le conflit a eu un impact majeur, certains enfants ont été rejetés et craignent de ne jamais être acceptés à nouveau. 

Beaucoup sont maintenant de retour à l’école ou ont repris leur travail aux champs. Certains se sont même mariés.

Des flashbacks de combats

Environ 35 % de nos patients subissent des troubles post-traumatiques et nombre d’entre-deux souffrent de dépression. Nous recevons également beaucoup de patients présentant une variété de symptômes, dont des flashbacks récurrents et des pensées intrusives. Certains ont le sentiment d’être de retour au milieu des combats, d’autres ont des pensées ou des images inopinées qui surgissent dans leur quotidien. D’autres encore, pensent au suicide ou à se faire du mal.

Apporter une assistance

Afin d’aider nos patients, nous utilisons des techniques de relaxation pour réduire leur anxiété et renforcer leurs mécanismes de défense et leur résilience. Nous proposons des activités en groupe et de la psychoéducation, où nous discutons de sujets spécifiques et nous organisons des activités récréatives comme des matchs de football ou de la peinture.

Rejoindre les groupes armés de nouveau

Malgré notre soutien, ce processus de réintégration n’est pas facile pour nos patients. Lorsque leur vie quotidienne devient compliquée, quelques-uns pensent à rejoindre un groupe armé, pour avoir accès à de meilleures ressources et services. Dans ces cas, il est très important de les mettre en contact avec d’autres organisations qui permettent, par exemple une rescolarisation, ce qui les aide à se sentir partie intégrante de la communauté.

Un rétablissement possible

Est-il possible de se rétablir après avoir été enfant soldat ? Oui, c’est possible. Nous voyons des enfants qui ont vécu d’énormes difficultés et des traumatismes s’investir pour être des membres engagés de leur communauté. J’ai été particulièrement touchée par ceux-là.

La plupart de ces enfants veulent se marier, avoir un emploi, retourner dans leur famille. Le processus thérapeutique leur permet d’atteindre ces objectifs. Le nombre élevé de personnes qui assistent aux sessions de suivi et le fait que deux-tiers de nos patients qui quittent le programme ont achevé leur traitement le prouvent.

Les êtres humains sont très résilients, ils ont la capacité de se focaliser, non pas sur les moments difficiles du passé, mais sur leurs objectifs futurs et trouver le bonheur. »