Tuberculose multirésistante: l'accès aux nouveaux médicaments est encore réservé à 2% des patients

«La tuberculose est curable; pourtant, elle est aujourd’hui la maladie infectieuse la plus meurtrière dans le monde».

Kirghizistan3 min

Deux ans après leur approbation conditionnelle, les deux premiers médicaments développés contre la tuberculose depuis 50 ans n’ont été administrés qu’à 2% des 150 000 patients qui en auraient besoin.

Médecins Sans Frontières (MSF) et d’autres acteurs médicaux constatent pourtant que l’utilisation de ces nouvelles molécules - la bédaquiline et le délamanide – en complément des traitements existants permet d’obtenir des résultats encourageants chez les patients atteints de tuberculose multi-résistante (TB-MR). MSF appelle à améliorer l’accès à ces médicaments plus efficaces, en les rendant plus abordables et plus facilement disponibles.

« Après un demi-siècle d’attente, nous avons enfin de nouveaux médicaments qui pourraient sauver les patients les plus malades et il est très frustrant de ne pas pouvoir les proposer à tous ceux qui en auraient besoin, explique le Dr. Joseph Tassew, coordinateur médical de MSF en Russie. Les projets de MSF représentent la seule possibilité d’accéder au délamanide en Russie, et seulement sept patients en bénéficient aujourd’hui. Il faut que les laboratoires et les pays collaborent en vue d’un meilleur accès à ces médicaments ».

Dans les projets menés par MSF en Russie (Tchétchénie) et en Arménie, respectivement 75 et 80 % des patients ayant reçu un traitement ‘renforcé’ avec la bédaquiline ou le délamanide pendant six mois ne présentaient plus de bacilles de la TB lors de la mise en culture d’un échantillon de leur crachat, tandis que les traitements actuellement utilisés ne fonctionnent que pour 50% des patients TB-DR.

Afin d’améliorer l’accès aux nouveaux médicaments, Janssen et Otsuka, les laboratoires qui les produisent, devraient accélérer leur enregistrement dans les pays où les patients TB sont le plus nombreux, et proposer des prix abordables à tous les pays en développement ainsi qu’aux plus touchés par la TB. Les pays devraient quant à eux inclure les deux nouveaux médicaments dans leurs protocoles nationaux de traitement et - en attendant l’enregistrement des médicaments - délivrer des autorisations temporaires d’importation.

MSF publie aujourd’hui la quatrième édition de son rapport TB-DR : Drugs Under the Microscope, qui décrit les barrières et les obstacles à un meilleur accès aux traitements contre la TB résistante. Le rapport montre que les traitements contre la TB-DR les plus utilisés aujourd’hui coûtent entre 1 800 et 4 600 dollars par patient. Ce coût est nettement moindre par rapport à celui documenté dans la première édition du rapport MSF, en 2011, quand ces mêmes traitements coûtaient entre 4 400 et 9 000 dollars par personne. Cependant, l’ajout des deux nouveaux médicaments et d’autres molécules nécessaires à la composition d’un traitement efficace pourrait à nouveau faire augmenter ce coût.

Otsuka a annoncé que le délamanide va coûter 1 700 dollars par patient dans les pays en développement. La bédaquiline est actuellement disponible gratuitement dans les pays les plus pauvres, dans le cadre d’un programme de donations de la part de Johnson & Johnson. Mais son prix dans les pays dits ‘à revenus intermédiaires’, qui ne sont pas inclus dans le programme de donations, pourrait monter à 3 000 dollars par patient.

« La tuberculose est curable; pourtant, elle est aujourd’hui la maladie infectieuse la plus meurtrière dans le monde, explique le Dr. Grania Brigden, spécialiste de la tuberculose à la Campagne d’Accès aux Médicaments Essentiels (CAME) de MSF. Nous avons urgemment besoin d’un traitement mieux toléré par les patients, plus efficace, disponible et abordable. Sinon ça sera, comme d’habitude, l’impasse ».