MSF reste engagée à sauver des vies en Méditerranée mais ne signera pas le «Code de conduite» proposé par l’Italie

Les activités de sauvetage des acteurs non-gouvernementaux, tels que MSF, représentent une réponse temporaire pour palier le «vide de responsabilité» laissé par les Etats.

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L’organisation médicale internationale MSF a officiellement informé ce lundi le ministre de l’Intérieur italien qu’elle ne signera pas le code de conduite proposé aux ONG qui opèrent des missions de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée.

« Nous ne sommes pas en mesure de signer le code de conduite dans sa forme actuelle bien que nous en respections déjà de nombreuses dispositions qui font partie de nos préoccupations premières, telle que la transparence financière », déclare Annemarie Loof, responsable des opérations. «Médecins Sans Frontières (MSF) continuera de mener ses opérations de recherche et de sauvetage, en coordination avec le Centre de coordination et de sauvetage maritime (MRCC) à Rome et en respect des lois internationales et maritimes.»

Transfert de survivants vers d’autres bateaux exclu

Certaines dispositions proposées dans le code de conduite pourraient avoir un impact sur la capacité et l’efficacité des missions de sauvetages actuelles avec de graves conséquences humanitaires. En particulier, il serait, selon une des dispositions, imposé aux ONG de débarquer les survivants dans un endroit sûr, excluant de facto le transfert vers d’autres bateaux et limitant ainsi inutilement les moyens disponibles aujourd'hui. Depuis le début de ses opérations, MSF a souvent été amenée à accepter des survivants d’autres bateaux, voire à en transférer elle-même. Ces transferts ont toujours eu lieu à la demande, ou sous la supervision, du Centre de coordination et de sauvetage maritime situé à Rome.

Ces va-et-vient de tous les bateaux aux points de débarquement conduiront à une réduction de la présence de navires dans la zone de recherche et sauvetage. Une diminution de la présence de ces bateaux affaiblirait la capacité de recherche et de sauvetage déjà insuffisante, ce qui mènerait immanquablement à une augmentation du nombre de noyades. De plus, des éléments inutilement confus tels qu'introduits dans le Code de conduite au sujet des processus de contact avec les autorités pourraient entraîner un ralentissement des opérations de sauvetage quand chaque minute peut faire la différence entre la vie et la mort.

Des organisations humanitaires sous intérêts politiques

Même si la nouvelle adaptation du code clarifie que la police judiciaire agira « sans préjudice aux activités humanitaires en cours », cela reste ouvert aux interprétations et la demande que la police ne soit pas armée à bord des bateaux de sauvetage n’a pas été adoptée. La présence de policiers armés à bord et l’engagement pour les humanitaires de recueillir des preuves seraient une entorse aux règles humanitaires fondamentales d’indépendance, de neutralité et d’impartialité. Cette situation reviendrait à mettre les organisations d’aide humanitaire sous les intérêts politiques d’un membre de l’Union européenne et ce n’est pas quelque chose que MSF est en mesure d’accepter, d’autant plus que cela pourrait avoir des conséquences sur l’accès des populations en danger partout ailleurs dans le monde ainsi que sur la sécurité de nos équipes.

Un vide de responsabilité

La responsabilité de mener des opérations de recherche et de sauvetage en mer incombe aux Etats. Les activités de sauvetage des acteurs non-gouvernementaux, tels que MSF, représentent une réponse temporaire pour palier le «vide de responsabilité» laissé par les Etats. Les pays membres de l’Union européenne doivent mettre en place un mécanisme proactif dédié aux recherches et sauvetages pour soutenir l’Italie et reconnaître les efforts louables de ce pays pour sauver des vies en mer face à une réponse insuffisante des autres Etats membres.

Au premier semestre 2017, les ONG ont assumé à elles-seules 35% des opérations de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée centrale. A elle seule, MSF a secouru et mis en sécurité plus de 16.000 personnes. Depuis le début de ses opérations en 2015, MSF a strictement respecté toutes les lois nationales, internationales et maritimes applicables à la mer Méditerranée centrale. Elle respecte aussi à tout moment son propre code de conduite, la charte MSF, basée sur l’éthique médicale et les principes humanitaires.