Une journée ordinaire avec les déplacés à Gety

Gety, RDC.

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L’Ituri, ce district de la République Démocratique du Congo situé au nord du Kivu, n’en finit pas de connaître l’instabilité. Les milices et l’armée s’affrontent sporadiquement depuis 2006 et ce sont, comme toujours, les populations civiles qui en pâtissent. MSF y maintient une intervention destinée à répondre aux besoins médicaux des populations résidentes et des nombreuses personnes déplacées. Les gens y viennent, parfois de très loin, lorsque les hommes en armes ne les bloquent pas en chemin.

Cette après-midi de juillet, l’équipe de Médecins Sans Frontières (MSF) qui travaille à l’hôpital de Gety a reçu Barak, un petit garçon de trois ans dont le ventre est gravement brûlé. « Il s’est brûlé avec la bouillie de maïs que sa mère était en train de lui préparer ce matin », explique Aziba, son père. « Nous l’avons tout d’abord amené au centre de santé du village, mais c’était trop grave ! Ils ne pouvaient rien faire ! Il nous a fallu l’amener ici au plus vite. Il souffrait beaucoup. On a fait 45 km à pied mais cela valait la peine. Ici, à l’hôpital de Gety, il va pouvoir guérir vite. »
Gety est une petite ville située en plein cœur de l’Ituri, l’un des districts situés dans le Nord-Est de la République Démocratique du Congo qui connaît des heurts violents depuis trois années. MSF y apporte son assistance médicale aux populations. « Si Barak a pu venir à l’hôpital à temps c’est qu’actuellement la situation est assez calme », explique Joël Duandro, infirmier MSF à l’hôpital. « Ceci n’était pas le cas il y a quelques semaines à peine car la route était bloquée par des hommes armés». Dans cette région particulièrement riche en ressources minérales et en bois précieux, des milices armées continuent à s’opposer, les armes à la main, au contrôle de la région par les FARDC, les forces de l’armée régulière. Encore une fois, les premières victimes se comptent au sein de la population civile. Lors de ces affrontements, les habitants n’ont d’autre recours que de s’enfuir en brousse et dans les forêts où les conditions de vie sont extrêmement difficiles et où, bien évidemment, tout accès aux services de santé est pratiquement impossible.
La dernière crise est récente. Elle date de la fin 2008 et a obligé une nouvelle fois MSF à revenir à Gety - où l’organisation était déjà intervenue en urgence lors d’attaques précédentes en 2006. Depuis, les affrontements sporadiques n’ont pas cessé : 15 000 personnes déplacées à Olongba, une localité située à une dizaine de kilomètres de Gety, 10 000 autres à Soké.

Les hommes armés empêchent souvent les gens de se déplacer

Les équipes MSF se sont d’abord attelées à apporter l’assistance vers ces sites de regroupement. « Les gens n’osaient pas sortir des sites de regroupement par peur d’être harcelés par les hommes en armes », précise Joël. Sur tous ces sites, l’hygiène et l’approvisionnement en eau étaient très déficients. Il a donc fallu au plus vite installer des latrines et des stations de pompage et de traitement de l’eau pour couvrir les besoins. Aujourd’hui, MSF y distribue plus de 45 000 litres d’eau potable par jour.
« Pour ces populations, notamment pour celles qui vivent à l’extérieur des villes, il est très difficile de se déplacer et de venir vers nous pour se faire soigner, poursuit Joël. Les hommes armés empêchent les gens de se déplacer car ils vivent tout simplement à leurs dépends. » En outre, difficile de trouver une réponse localement, le système de santé public existant dans le passé a largement souffert des crises : centres de santé pillés ou incendiés ; personnel médical absent, ayant fui vers des lieux plus protecteurs comme les villes, pas de médicaments, telle est la réalité du service sanitaire aujourd’hui en Ituri comme dans beaucoup d’autre régions de l’Est du Congo.
La nécessité de mettre en place un Centre Nutritionnel Thérapeutique (CNT) au sein de l’Hôpital de Gety s’est vite imposée à l’équipe. « Au début, beaucoup d’enfants malnutris sont décédés, explique Raphaël Ulreich, médecin autrichien qui travaille pour MSF à Gety depuis plusieurs semaines. Beaucoup souffraient d’anémies ou d’infections contractées pendant leur fuite. Aujourd’hui encore, les trois quarts de nos patients sont des personnes déplacées, souvent référées de centres de santé établis dans des zones éloignées ou amenées par les équipes MSF apportant un appui dans ces centres. » En effet, dès que ce fut possible, une équipe MSF s’est rendue régulièrement dans plusieurs endroits éloignés afin d’organiser le soutien indispensable. Malheureusement, encore aujourd’hui ceci n’est pas possible partout à cause de l’instabilité.
Désormais, la priorité pour MSF, c’est d’améliorer l’accueil et la qualité du travail à l’hôpital. «Cet hôpital n’a jamais été utilisé comme un véritable hôpital de référence, ceci à cause de la guerre », explique Raphaël. «Nous avons commencé à améliorer l’hôpital non seulement sur le plan matériel en réhabilitant les services, mais aussi sur le plan des ressources humaines en travaillant sur l’organisation des soins et la formation du personnel. Nos priorités vont aux enfants et aux femmes, en particulier ces dernières s’apprêtent à devenir mères.» La prise en charge des victimes des violences sexuelles est aussi une préoccupation importante pour l’équipe. Raphaël est certain qu’elles sont bien plus nombreuses que les rares qui osent se présenter aux consultations. «Les femmes subissant des violences ont peur d’être montrées» explique t-il. «Elles craignent que les conséquences soient encore pires pour elles ou leurs proches…»
Dans son lit recouvert d’une moustiquaire, Barak s’est endormi. La journée a été longue pour lui mais il est désormais hors d’affaire. C’était une journée ordinaire pour l’équipe MSF, auprès des personnes déplacées, à Gety, au cœur de l’Ituri.

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