Ukraine: l’annulation de l’accréditation de MSF à Donetsk signe la fin du programme contre la tuberculose résistante

D’un point de vue médical et éthique, il est irresponsable de gérer un programme contre la tuberculose qui est fréquemment interrompu.

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MSF met fin à son soutien au programme contre la tuberculose multirésistante aux médicaments (TB-MR) au sein du système pénitentiaire de la République autoproclamée populaire de Donetsk (DPR) après que son accréditation ait été annulée le 19 octobre 2015.

La décision du Comité Humanitaire des autorités de la DPR prive 146 patients d’un traitement indispensable contre la maladie. Dans ces conditions, MSF ne peut plus s’engager à reprendre ses activités au sein de l’institution pénitentiaire Colony 3, où l’organisation travaillait depuis 2011.
MSF reste cependant engagée à reprendre toutes les autres activités dans la région qui ont été stoppées depuis le retrait de son accréditation. Les besoins restent importants pour les patients souffrant de maladies chroniques telles que le diabète, les pathologies cardiaques ou insuffisances rénales. Il est essentiel que l’organisation puisse reprendre son travail dans la région afin d’offrir une assistance médicale aux patients qui en ont besoin.
«Nous regrettons profondément devoir mettrefin à notre engagement à soutenir le programme TB-MR, explique Gabriela Das, coordinatrice médicale de MSF en Ukraine, mais les conditions de travail incertaines auxquelles a dû faire face MSF ces derniers mois ne nous permettent plus d’attendre et d’espérer pouvoir continuer cette activité. Un programme contre la tuberculose ne peut pas être fréquemment interrompu: d’un point de vue médical et éthique, une telle gestion serait irresponsable. Si les patients ne peuvent pas prendre leurs médicaments pendant un certain temps et ne reçoivent pas le soutien nécessaire pendant leur  long et pénible traitement, on crée des résistances aux médicaments. Ce sont justement ces résistances qui sont dangereuses pour le patient et qui constituent un risque de santé publique». MSF cesse donc les négociations avec les autorités de la DPR pour la reprise des activités qu’elle menait dans le système pénitentiaire.
Les données scientifiques indiquent en effet qu’il semble y avoir une corrélation entre le succès du traitement et le nombre d’interruption et de reprise de celui-ci. En outre, il y a de réels risques pour la santé publique, étant donné que l’interruption du traitement est directement liée à l’augmentation de la résistance de la bactérie de la tuberculose aux traitements de première et seconde ligne. En 2011, MSF a commencé à travailler à Donetsk en collaboration avec les autorités locales pour offrir un accès au traitement pour les personnes souffrant de tuberculose multirésistante dans le système pénitentiaire. Ces cinq dernières années, 756 patients ont été pris en charge par le programme, parmi lesquels 146 étaient sous traitement au moment de l’arrêt de activités de l’organisation.
MSF ne reprendrait ses activités qu’aux conditions suivantes: la garantie d’un accès ininterrompu de deux ans minimum pour permettre aux patients actuellement dans le programme de finir leur traitement; une présence continue du personnel national et international de MSF sur le terrain pendant cette période pour garantir un soutien direct aux patients; et l’engagement des autorités à assurer que MSF peut envoyer l’approvisionnement nécessaire au fonctionnement du programme sans intermédiaires et sans interférences d’acteurs externes qui ne sont pas impliqués dans le programme TB.
Le 19 octobre, MSF recevait une notification écrite du Comité Humanitaire que son accréditation en République autoproclamée de Donetsk avait été retirée et que l’organisation devait cesser immédiatement ses activités. Aucune raison n’a été fournie à l’organisation. «Ces dernières semaines, nous avons tenté de trouver un accord pour reprendre nos activités pour le bien de nos patients, y compris ceux qui souffrent de la tuberculose multirésistante, mais il est désormais trop tard pour reprendre ce programme. Toutefois, nous renouvelons notre engagement à reprendre toutes les autres activités aussi vite que possible, et ce pour la santé des personnes qui vivent dans la région», ajoute Gabriela Das.
MSF continue de demander au Comité Humanitaire de la DPR de reconsidérer sans délai la décision de retirer l’accréditation de l’organisation afin que nous puissions recommencer à offrir une assistance médicale indispensable. MSF est l’une des seules organisations qui offre, parmi d’autres médicaments essentiels, de l’insuline pour les patients diabétiques et des produits d’hémodialyse pour prendre en charge les insuffisances rénales. Depuis le début du conflit en mai 2014, MSF a fourni des médicaments et du matériel à 170 structures médicales pour la prise en charge des blessés de guerre et des patients souffrant de maladies chroniques. MSF a en outre donné plus de 85 000 consultations en collaboration avec les autorités sanitaires locales dans 40 dispensaires mobiles, offrant ainsi des soins aux personnes vivant dans des zones d’où avaient fui médecins et infirmières et où les pharmacies étaient vides.

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