Les visages de Mossoul

Reconstruire des vies brisées par la guerre: témoignages de patients et de soignants

 

Faten, cinq ans, reçoit des soins post-opératoires à l’hôpital de MSF au sud de Mossoul en Irak. Elle a été blessée par un tir de mortier près du jardin dans lequel elle jouait. Photo: Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Pour ceux blessés par les violents combats à Mossoul en Irak, la chirurgie traumatologique d’urgence n’est que le début d’un long chemin vers la guérison. Médecins Sans Frontières (MSF) gère un hôpital de 40 lits à Hamdaniya, un village au sud de Mossoul et prend en charge les patients ayant reçu une intervention chirurgicale et qui tentent de reconstruire leurs vies.

Pour le moment, cette clinique est la seule du genre dans toute la province de Ninive en Irak. Elle fonctionne à plein régime et a permis de traiter 120 patients depuis son ouverture en mars 2017.

Les patients doivent régulièrement faire changer les pansements de leurs plaies, souvent infectées en raison de la nature même de ces blessures de guerre. Ils reçoivent aussi des soins psychologiques et de physiothérapies prodigués en collaboration avec une équipe d’Handicap International. De nombreux patients devront subir des opérations supplémentaires et de longues périodes de réhabilitation avant de pouvoir retourner dans leur famille.

Voici les témoignages de patients et de membres du personnel de la clinique MSF de Hamdaniya.

Les photos ont été prises le 8 avril 2017 par Diego Ibarra Sánchez/MEMO.

©Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Faten, cinq ans, patiente venant de Mossoul Ouest

Son père nous raconte:

«Lorsque notre quartier dans l’ouest de Mossoul a été repris par l’armée iraquienne, nous sommes retournés dans notre maison. Faten jouait dans le jardin quand un obus est tombé près d’elle et a explosé. Elle a été blessée à la jambe par des éclats. Nous l’avons d’abord amenée à la clinique de MSF à Hammam al-Alil, où elle a reçu les premiers soins. Ensuite, elle a été transférée vers un autre hôpital à Bartella pour des soins supplémentaires.

Maintenant, elle est dans l’unité post-opératoire de l’hôpital de Hamdaniya. Chaque jour, le personnel soignant nettoie sa blessure et change ses pansements. Faten est courageuse ; elle aime jouer et rire mais ses frères et sœurs lui manquent et le soir elle pleure. Grâce à Dieu ses sept frères et sœurs se portent tous bien.»

 

©Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Abdulrahman, 11 ans, patient de Mossoul Ouest

«Je me rendais à une distribution de nourriture lorsque quelque chose a explosé dans la rue. J’ai été blessé au torse et au bras par un éclat d’obus.

J’ai d’abord été soigné dans une structure médicale à Aqrab. Puis ils m’ont référé à MSF, à l’hôpital d’Hammam al-Alil.

Ensuite je suis passé par de nombreux hôpitaux avant d’arriver à Hamdaniya. J’y suis depuis une semaine. Ma famille est à Hay Maoumon, un quartier repris par l’armée irakienne dans l’ouest de Mossoul.»

©Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Sara Younis, infirmière MSF à Mossoul

«Je suis infirmière depuis sept ans. Je travaillais dans un hôpital de Mossoul lorsque les combattants de l’Etat islamique sont arrivés. Nous avons fui à Qayyarah et j’ai continué à travailler quelques temps mais j’ai finalement dû quitter mon emploi. Pour être en sécurité, il valait mieux rester le plus loin possible d’eux. J’ai souffert de ne pas pouvoir travailler car j’aime mon métier.

Maintenant je travaille par tranches de six jours pour MSF dans l’unité post-opératoire de l’hôpital Hamdaniya.

J’ai vu trop d’horreurs. Nous avons coexistés avec la guerre et la violence pendant trop longtemps. Maintenant j’ai de la peine à croire que c’est terminé. Je garde espoir que Mossoul puisse redevenir une ville belle.»

 

©Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Aswan Ismael, infirmière Mossouliote

«Je viens d’Al Hathba, à l’est de Mossoul. Nous sommes restés pendant l’offensive. C’était effrayant tous les tirs et les bombardements. Il y avait des corps dans les rues mais nous n’avons pas pu quitter la ville, c’était trop dangereux et coûteux. J’ai continué à travailler à l’hôpital général lorsque les combattants de l’Etat islamique ont pris le contrôle de la ville en 2014 mais les femmes étaient maltraitées et lorsqu’ils ont voulu me battre avec un bâton, j’ai démissionné. Je suis restée à la maison plus d’un an.

J’ai commencé des études d’ingénieure électrique mais j’ai changé pour des études d’infirmière afin d’aider les gens. J’aime mon travail ici avec MSF. Nous nous occupons des patients après leur opération et nous les aidons à récupérer. Je travaille aussi un jour par semaine à l’hôpital général d’Al Hathba. C’est difficile car nous manquons de tout : médicaments, équipements, argent. En fait, nous ne sommes même pas payés.

L’insécurité prévaut toujours dans l’est de Mossoul et nous ne quittons la maison que pour aller chercher l’essentiel, comme la nourriture et l’eau. Nous n’avons ni électricité ni eau dans la maison.»

©Diego Ibarra Sánchez/MEMO

Faisal Dakhil Khalaf, infirmier de Sinjar

«Je vis dans un camp de réfugiés à Dohuk. Cela fait presque trois ans que j’ai quitté Sinjar pour fuir l’Etat islamique. Les sept premiers jours nous nous cachions dans les montagnes sans nourriture ni eau. Je voudrais quitter le camp, la vie y est mauvaise car nous n’avons ni électricité ni services et vivons toujours sous des tentes. Mais nous ne pouvons pas retourner à Sinjar, on n’y serait pas en sécurité.

Je suis devenu infirmier pour des raisons humanitaires, pour aider les gens. C’est un travail très important.»

 

Mohamed, 11 ans, reçoit des soins à l’hôpital de MSF à Hamdaniya. C’est la seule structure fournissant des soins post-opératoire dans la région de Mossoul. Photo: Diego Ibarra Sánchez/MEMO
8 avril 2017: vue de l’hôpital post-opératoire de MSF dans le sud de Mossoul en Irak. Photo: Diego Ibarra Sánchez/MEMO