Massacre sur le site de protection des civils à Malakal: l'échec de l'ONU

Actuellement, l'espace de vie disponible par personne ne représente qu’un tiers des normes internationales.

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MSF publie un rapport suite à l'attaque du site de protection des civils à Malakal au mois de février 2016.

Médecins Sans Frontières (MSF) a publié un rapport sur l'intervention humanitaire et de maintien de la paix suite à l'attaque sur le site de protection des civils à Malakal les 17 et 18 février 2016. Le rapport constate que, malgré une forte présence militaire sur le site et un mandat clair ordonnant de protéger les civils, la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a échoué dans son devoir de protéger les personnes présentes sur le site. De nombreuses morts auraient pu être évitées. Le rapport montre également que les acteurs humanitaires travaillant sur le site se sont trouvés paralysés et incapables de répondre aux besoins urgents des personnes déplacées internes pendant la crise. Les règles de sécurité des Nations Unies ont empêché l'intervention de ces acteurs pendant une période courte mais cruciale, lors de laquelle les besoins étaient les plus importants.

Le 17 février, lorsque l'attaque a été lancée à l'intérieur du site, et plus tard lorsqu'une force extérieure lourdement armée l’a attaqué, la MINUSS n'a pas réussi à prendre des mesures immédiates. Le lendemain, après la fin des hostilités, divers rapports indiquaient qu'entre 25 et 65 civils étaient morts, plus de 108 avaient été blessés et plus de 30 000 avaient été déplacés. Les évaluations réalisées après l'attaque ont établi que plus de 3 700 abris, soit un tiers du site, avaient été brûlés. Les personnes déplacées internes, déjà fatiguées par la guerre, étaient traumatisées et n'ont eu d'autre choix que de reconstruire leur vie dans les cendres du camp.

Un mandat pas rempli

En commentant la sortie du rapport, Raquel Ayora, directrice des opérations de MSF, a déclaré: «Notre enquête montre que la MINUSS n'a pas rempli son mandat de protection des civils tel que défini par le Conseil de sécurité: avant l'attaque, ils n'ont pas réussi à empêcher l’entrée d'armes dans le camp; ils ont choisi de ne pas intervenir lorsque le combat initial a éclaté et, quand une attaque est venue de l'extérieur du camp, ils ont été extrêmement lents à repousser l'assaut».

Les sites de protection des civils sont agencés de telle sorte que la MINUSS a du mal à les gérer. Il est évident que l’objectif sous-jacent est de fermer Malakal et de reloger la population déplacée en dehors du site. La MINUSS est réticente à améliorer les conditions de vie sur ce site, qui sont déplorables, ou à mettre en œuvre des mesures qui permettraient d'améliorer la sécurité dans son enceinte. Actuellement, l'espace de vie disponible par personne ne représente qu’un tiers des normes internationales. L'approvisionnement alimentaire atteint à peine le niveau de subsistance et la distribution globale de l'eau est souvent inférieure à 15 litres par personne et par jour (considéré au niveau international comme le minimum en cas d’urgence). Dans le même temps, la vie quotidienne est constamment mise en péril par les violences sexuelles endémiques à l'intérieur et autour du site.

Plus de 80% des déplacés se sentent en danger

Une enquête publiée et menée par MSF en parallèle du rapport montre que plus de 80 pourcent des personnes déplacées se sentent en danger à l'intérieur du site de protection des civils et ne font plus confiance à la MINUSS depuis l'attaque de février. Cependant, l'insécurité en dehors du camp a été unanimement mentionnée par les répondants comme étant la principale raison pour laquelle ils ne quittent pas le site. Ils se retrouvent ainsi entre le marteau et l'enclume.

« Les sites de protection des civils restent la seule solution partiellement efficace pour répondre aux besoins urgents de protection de la population», a déclaré Mme Ayora. «Jusqu'à ce que l'on trouve une alternative plus efficace ou plus sûre, ces sites ne peuvent pas être démontés et nous devons répondre au manque évident de protection et d'assistance.  La MINUSS et tous les organismes humanitaires doivent tirer des leçons de cet échec collectif et prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que des décisions et actions radicalement différentes soient prises en cas de nouvelle attaque ou de violence dans le site. »

MSF appelle les Nations Unies à publier les résultats de ses études concernant les événements entourant l’attaque de Malakal. Les organisations travaillant sur le site de protection des civils ont besoin de réviser et d'adapter leurs plans d'urgence, ainsi que de tirer les leçons de cette crise pour d’autres situations qui présentent d'importants besoins en termes de protection et d'assistance. 

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