Tanzanie: une année de tourmente pour les réfugiés burundais

«Ils ont tout perdu. Il y a six mois, ils vivaient une vie normale en ville, leurs enfants allaient à l'école. Ils ont ensuite été témoins d'une violence terrible.»

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A peu près un an après l'arrivée de la première vague de réfugiés, un millier de personnes fuyant les troubles politiques au Burundi franchissent chaque semaine la frontière avec la Tanzanie. Ils rejoignent ainsi des milliers d'autres réfugiés vivant dans des camps surpeuplés qui ne cessent de s'étendre.

Deux des trois sites existants, Nyarugusu et Nduta, ont augmenté leurs capacités. Un troisième camp, Mtendeli, accueille désormais des réfugiés transférés du camp surpeuplé de Nyarugusu ainsi que des réfugiés récemment arrivés des zones frontalières.

Il y a maintenant environ 140 000 burundais qui vivent en Tanzanie, et ce nombre ne cesse de croître de jour en jour.
«Si l'afflux de réfugiés continue à ce rythme, les trois camps devraient dépasser leur capacité d'ici à la fin septembre», déclare Dana Krause, chef de mission pour Médecins Sans Frontières (MSF) en Tanzanie. Les camps sont incapables de faire face à une arrivée si soudaine de réfugiés et si la situation au Burundi devait connaitre une nouvelle flambée de violence, il n’y a aucun autre site prêt à les recevoir.

«À Mtendeli par exemple, les réserves d'eau sont déjà inférieures aux normes internationales reconnues. A ce stade, le camp n'est plus en mesure d'accueillir une nouvelle vague de réfugiés burundais dans la situation actuelle.» déclare Dana Krause.

Au total 260 000 réfugiés burundais ont fui vers les pays avoisinants; Rwanda, Ouganda, RD Congo et Tanzanie. Fuyant la terreur ils ont souvent été témoins ou victimes de violence.
Très peu de soutien financier a été donné à la réponse humanitaire. «En Tanzanie, un an après, la réponse humanitaire dans les camps est toujours absente et les efforts faits pour augmenter l'aide ne sont pas suffisants», poursuit Dana Krause.

Aujourd'hui, à leur arrivée en Tanzanie, les réfugiés font face à des conditions de vie étouffantes. Les infrastructures de santé sont pleines de patients atteints du paludisme. Les maladies respiratoires et les diarrhées liées aux mauvaises conditions sanitaires sont également courantes. De plus, les besoins en matière de santé mentale de cette population traumatisée sont considérables.

Des besoins urgents en matière de santé mentale

MSF prodigue des soins psychologiques dans les camps de Nyarugusu et Nduta et a, depuis le début de l'année, effectué 13 795 consultations individuelles et 1 408 séances de groupe. Selon les psychologues de MSF, plus de 95 % des réfugiés qui participent aux consultations de santé mentale ont vécu de graves expériences traumatiques avant de rejoindre la Tanzanie. La plupart d'entre eux souffrent aujourd'hui de problèmes de dépression, d'anxiété et de sommeil.

« Les patients que nous voyons lors de nos consultations en santé mentale ont subi de graves traumatismes et sont victimes de toute une série de problèmes émotionnels », explique George Hunter, psychologue MSF dans le camp de Nduta. « Ils ont tout perdu. Il y a six mois, ils vivaient une vie normale en ville, leurs enfants allaient à l'école. Ils ont ensuite été témoins d'une violence terrible ou ont perdu des membres de leur famille ou des amis. Ils n'ont eu d'autre choix que de fuir et vivent désormais dans une tente, sans rien. »

Joseph est un réfugié vivant dans le camp de Nduta: « Lorsque je suis arrivé, je ne parvenais pas à dormir, je pensais à tout ce que j'avais laissé derrière moi. Je pensais que c'était la fin de ma vie. J'ai toujours peur aujourd'hui, je ne me sens pas encore en sécurité. Je ne vois aucun avenir. J'espérais poursuivre et terminer mes études universitaires. Mais maintenant, je suis ici et ce rêve s'est transformé en utopie. »

Un patient sur deux souffre du paludisme dans les camps de Nyarugusu et Nduta

La région de Kigoma, dans laquelle se trouvent les camps de réfugiés, enregistre l'un des taux annuels les plus élevés de paludisme en Tanzanie. Les femmes enceintes et les enfants sont les plus à même de développer la forme sévère de la maladie qui peut entraîner la mort si elle n'est pas traitée dans l'immédiat.

Près de la moitié des patients qui arrivent aux cliniques MSF des camps de Nyarugusu et Nduta sont atteints du paludisme. Dans les deux camps, MSF a traité quelque 58 000 victimes du paludisme depuis le début de l'année.

MSF a intensifié sa lutte contre le paludisme en janvier lorsque les pluies sont devenues plus fortes et que le nombre de cas a commencé à augmenter. Dans le camp de Nduta, MSF traite des patients à ses trois postes de santé et au département de consultation externe. Les patients souffrant de paludisme sévère sont hospitalisés. Dans le camp de Nyarugusu, MSF fournit un traitement dans deux cliniques qui ont été mises en place expressément pour le traitement de la maladie.

« Alors qu'au cours des dernières semaines, les cas de paludisme ont commencé à baisser légèrement, nous pensons qu'ils vont bientôt augmenter à nouveau », affirme Dana Krause. « Les pluies ne devraient cesser avant le mois de juin, aggravant encore plus les conditions de vie étouffantes dans les camps surpeuplés et rendant ainsi le terrain fertile pour les moustiques. La seule solution pour éviter cette situation est d'améliorer de manière rapide et durable les mesures de prévention et de traitement. »

Des soins médicaux d'urgence pour les blessés au Burundi

Au Burundi, MSF continue d'apporter une aide médicale d'urgence aux patients souffrant de traumatismes dans la capitale Bujumbura. Le centre de traumatologie de MSF compte 86 lits, un service d'urgence, deux blocs opératoires et une unité de soins intensifs.

MSF est intervenue dans la crise de réfugiés burundais en Tanzanie pour la première fois en mai 2015 lorsque des violences ont éclaté et que la première vague de réfugiés est arrivée. Dans le camp de Nyarugusu, MSF gère également trois cliniques de paludisme. Dans le camp de Nduta, MSF est la seule organisation à fournir des soins médicaux. Elle a construit un hôpital comptant 110 lits qui offre des soins internes et des soins ambulatoires complets. Les équipes gèrent également trois postes de santé, réalisent des examens médicaux pour les nouveaux arrivants et proposent des consultations de santé mentale. Lors de l'installation du camp, MSF a mis à disposition 3 500 tentes et fournit actuellement 250 mètres cubes d'eau par jour. Dans le camp de Mtendeli, MSF fournit environ 428 000 litres d'eau par jouret soutient le secteur de la santé avec la surveillance de la  santé au niveau communautaire. MSF a aussi distribué quelques 73 000 moustiquaires dans les camps de Nyarugusu, Nduta et Mtendeli.

MSF travaille au Burundi depuis plus de 20 ans. Elle a intensifié ses activités à Bujumbura lors des premières tensions préélectorales en mai 2015. MSF est l'une des seules organisations internationales qui s'occupe des blessés et apporte une aide médicale d'urgence dans la capitale. Ses activités au Burundi sont financées uniquement par des contributions individuelles. MSF n'accepte aucune aide venant de gouvernements.