Promiscuité, insalubrité, manque d’eau: les conditions sanitaires inacceptables des déplacés du Tanganyika

Les personnes qui vivent ici ont survécu à plusieurs attaques et ont été contraintes de laisser derrière elles des abris déjà précaires.

République démocratique du Congo (RDC)5 min

La région du Tanganyika, dans le sud-est de la République Démocratique du Congo (RDC), est en proie aux violences interethniques depuis maintenant un an.

A l’approche de la saison des pluies, et alors que la résurgence d’anciens conflits s’ajoute aux altercations récentes et continue de pousser des populations à l’exode, Médecins Sans Frontières (MSF) s’inquiète de la détérioration des conditions de vie des personnes déplacées autour de Kalémie.

Plus d’un demi-million de personnes déplacées

Depuis plus d’un mois, les risques sanitaires se sont gravement accrus à Kalémie suite à l’arrivée des familles ayant fui les combats vers la ville. Plus d’un demi-million de personnes sont déplacées dans la Province du Tanganyika, dont environ la moitié au sein du Territoire de Kalémie. Une partie de ceux qui vivaient dans des campements informels de la périphérie ont fui l’insécurité de ces lieux pour se réfugier dans le centre-ville. Les familles qui n’ont pas de proches pouvant les héberger vivent temporairement dans et autour des écoles de Filtistaf, Moni, Hodary et Lubuye, dans des conditions sanitaires inacceptables, à même le sol sous des moustiquaires. «Les personnes qui vivent ici ont survécu à plusieurs attaques et ont été contraintes de laisser derrière elles des abris déjà précaires. A chaque fuite, elles perdent une partie de leurs biens et n’ont plus rien», raconte Stéphane Reynier de Montlaux, coordinateur d’urgence de MSF. La rentrée de septembre ne laisse que peu de perspectives pour les déplacés, car les autorités souhaitent que les établissements soient vidés de leurs occupants dans les jours qui viennent pour permettre la reprise des cours.

16 410 consultations en trois mois

Depuis le mois d’avril, MSF a mis en place des cliniques mobiles qui couvrent aujourd’hui 17 sites de déplacés non-reconnus officiellement, soit approximativement 210 000 personnes. Cette stratégie a permis de dispenser 16 410 consultations en trois mois, la majorité étant des cas de paludisme, malnutrition et rougeole chez les enfants de moins de cinq ans. Près de la moitié des patients sont positifs au paludisme. «Jusqu’à ce jour, chaque soignant consulte en moyenne 60 patients par jour. Cela montre que la demande de soins est forte, et c’est pourquoi nous avons fait le choix de fixer l’offre de soins dans des postes de santé qui seront désormais ouverts cinq jours sur sept», poursuit Stéphane. En plus des soins de santé primaire, MSF dispense des consultations de santé reproductive à une population féminine majoritairement enceinte ou allaitante, et se charge de référer les cas plus graves à l’hôpital de Kalémie. Les besoins en santé mentale sont également criants suite aux violences subies lors des déplacements, et un service de soutien psychologique est disponible. Les équipes de santé mentale ont dispensé 576 consultations en cinq semaines d’activité. Si les postes de santé fixes devraient améliorer l’accès aux soins, l’eau reste un problème majeur et constitue un facteur de risque réel pour la propagation de maladies hydriques et d’épidémies.

L’accès à l’eau, un problème majeur

Pour que les populations déplacées à Kalémie reçoivent 20 litres d’eau par jour et par personne, ce qui est la norme sanitaire qui permettrait de prévenir la propagation d’épidémies, il faudrait distribuer 4 millions de litres d’eau par jour. «C’est un peu moins que ce nous avons pu distribuer en un mois» explique Ivan Quentin, coordinateur logistique d’urgence. «Même en additionnant les quantités distribuées par les autres organisations, l’accès à l’eau reste largement insuffisant. Les quantités disponibles sont en deçà des seuils d’urgence lors des premiers jours d’une crise. Sans une mobilisation forte de la part des autres organisations, il sera extrêmement difficile pour MSF de couvrir seul les besoins de ces familles dans les mois à venir» conclut-il.

L’absence de gestion et d’organisation des sites

La grande promiscuité des huttes en paille dans les campements, ajouté au manque de gestion ont provoqué de nombreux incendies qui ont ravagé au moins cinq sites le mois passé, notamment ceux de Moni, Lukwangulo, Kabubili, Kaseke et Katanyika. «Le récent incendie de Katanyika aurait pu être dramatique s’il avait eu lieu pendant la nuit. C’est un miracle qu’il n’y ait eu que quelques blessures légères alors que les trois quarts du camp sont partis en fumée en moins d’une heure» confie Stéphane. MSF se prépare à distribuer des biens de première nécessité à 4 630 ménages qui ont tout perdu dans les flammes sur ce dernier site. Sans investissement dans la planification et l’organisation, ces événements sont voués à se reproduire.

Promiscuité et insalubrité font craindre la propagation d’épidémies

Alors que les tensions entre les différentes communautés augmentent et forcent les habitants à fuir, la saison des pluies approche avec des conséquences prévisibles dans une zone où le choléra est endémique. Les équipes MSF se préparent à répondre à cette nouvelle urgence en espérant pouvoir mener à temps une campagne de vaccination de masse et en prévoyant d’appuyer la prise en charge médicale des cas si nécessaire.
Dans ce contexte volatile, les mouvements des populations qui fuient les violences continuent dans et autour de Kalémie alors que les conditions sanitaires des sites qui les accueillent ne connaissent pas d’amélioration significative. Un effort d’assistance de la part des autorités ainsi que de la communauté internationale semble être la seule solution à court terme pour ces familles.