Interview de Chani Mamane Tassioul, éducateur en santé communautaire

Tous les jours, onze éducateurs en santé communautaire parcourent les villages de 12 aires de santé de ces deux districts à moto afin d’appuyer le travail de sensibilisation des agents de santé et les relais communautaires locaux.

Niger5 min

Au sud de la région de Zinder, dans les districts de Magaria et Dungass, MSF travaille au cœur de la communauté avec des activités de sensibilisation sur les pratiques familiales essentielles (PFE) afin de notamment faire connaitre les maladies infantiles les plus courantes et la manière de prévenir ces dernières.

Tous les jours, 11 éducateurs en santé communautaire parcourent les villages de 12 aires de santé de ces deux districts à moto afin d’appuyer le travail de sensibilisation des agents de santé et les relais communautaires locaux. Chani Nomao Mamane Tassioul est l’un d’entre eux, nous l’avons rencontré dans le village de Zagui.

Où travailles-tu?

Je travaille en tant qu’éducateur en santé communautaire dans l’aire de santé de Bangaza qui se trouve dans le district sanitaire de Dungass. Je couvre un total de 105 villages. Chaque semaine, je me déplace en moyenne dans 25 villages pour y rencontrer les relais communautaires, les agents de santé des structures sanitaires, mais aussi les chefs de villages, d’autres représentants et la population locale.

En quoi consiste ton travail?

L’essentiel de mon travail est de venir en appui au réseau de relais communautaires de l’aire de santé de Bangaza. Ils sont 165 au total. Je leur apporte un soutien technique et matériel pour leurs séances de sensibilisation sur les pratiques familiales essentielles (PFE). Ces dernières regroupent les thématiques suivantes: l’allaitement maternel, l’alimentation de complément après six mois, les risques d’utilisation de préparations locales pour la guérison comme les «décoctions», l’importance de la vaccination, les maladies diarrhéiques, la fréquentation des centres de santé, l’hygiène générale, le lavage des mains à l’eau et au savon, la malnutrition, la planification familiale et l’utilisation des moustiquaires imprégnées. Autant de sujets qui impactent directement la santé des enfants.

J’aide donc à la tenue de sessions de sensibilisation communautaire et à la mise en place de bonnes pratiques pour réduire la prévalence des maladies infantiles, par exemple à travers la construction de latrines ou l’organisation de séances de nettoyage afin de maintenir un environnement de vie propre.

Je travaille aussi en étroite collaboration avec les agents de santé des structures sanitaires qui se trouvent dans les villages dans lesquels j’interviens, à savoir six cases de santé et le centre de santé intégré de Bangaza dans lequel MSF soutient le Centre de Récupération Nutritionnel Ambulatoire pour Sévères (CRENAS) pour le traitement des enfants qui souffrent de malnutrition sévère.

Comment ce travail communautaire contribue-t-il à la réduction des maladies infantiles?

Les maladies qui affectent le plus les enfants de moins de cinq ans dans la région que je couvre sont les infections respiratoires, les maladies diarrhéiques et, pendant la saison des pluies qui s’étend de juin à septembre,  le paludisme. La sensibilisation de la population, en particulier des mamans, permet de leur faire connaître ces maladies et de savoir comment les éviter. Mais aussi, d’en reconnaitre les symptômes et de les inviter à se rendre au centre de santé lors de leur apparition pour éviter que l’enfant ne développe des complications médicales qui nécessiteraient une hospitalisation.

Par exemple, pour le paludisme, nous sensibilisons à l’utilisation des moustiquaires imprégnées. Nous recommandons également aux familles de ne pas cultiver les légumes et les céréales dans la cour de la maison, lieu de vie et de rencontres familiales, puisque les cultures sont une source de propagation des moustiques. Les mamans apprennent également à se rendre à la case de santé du village pour une consultation médicale par un agent de santé qualifié, plutôt que d’avoir recours à des potions locales à base de plantes ou autres, qui peuvent faire perdre un temps précieux pour l’administration d’un traitement médical adapté et par-là aggraver l’état de santé de l’enfant.

Nous travaillons également sur les bonnes pratiques, comme l’hygiène. En ce qui concerne les infections diarrhéiques, nous informons sur les risques de la défécation à l’aire libre comme vecteur de transmission des maladies, nous sensibilisons au lavage des mains et nous invitons la population à maintenir des lieux de vie propres.

Il y a-t-il des exemples de bonnes pratiques qui ont été mises en place dans les villages dans lesquels tu travailles?

Après trois mois d’intervention, je constate déjà des changements importants dans certains villages, comme ici à Zagui. Notre relais communautaire et le chef du village ont mobilisé la communauté à la construction de huit latrines qui sont installées à différents endroits autour du village. Aussi, le responsable de la case de santé m’a de son côté informé avoir observé dans le cadre de ses consultations une baisse des cas de paludisme chez les enfants de la communauté en comparaison à la même période l’année dernière. C’est une excellente nouvelle pour une aire de santé comme celle de Bangaza, caractérisée par la présence de beaucoup de marres et d’étangs et où la présence de moustiques est connue pour être très élevée.

Quelle est la valeur ajoutée de ton travail?

La sensibilisation au cœur des villages permet de travailler au plus proche de la communauté et de peu à peu faire évoluer certains comportements qui constituent un facteur de risque pour la santé des plus jeunes enfants. L’appropriation et la mise en place de bonnes pratiques par la population contribuent à l’amélioration de la situation sanitaire dans les villages et à la réduction de la prévalence de certaines maladies infantiles, parfois mortelles.

Quels défis rencontres-tu au quotidien?

Je constate parfois que certaines habitudes sont plus difficiles à faire évoluer que d’autres. C’est par exemple le cas pour les plantations aux abords des maisons. La majorité des personnes que je rencontre vivent d’activités agro-pastorales. Les familles cultivent surtout pendant la saison des pluies, qui est synonyme de réserves alimentaires à venir pour les mois de l’année qui suivront, mais aussi de l’apparition des moustiques en grand nombre. Il faut donc faire comprendre que des pratiques comme celle-là constituent un risque pour la santé des enfants. C’est là tout l’enjeu des sensibilisations avec les relais communautaires, que nous menons sans relâche et au besoin renforçons pour certaines thématiques.